Mozart La clemenza di Tito
vendredi 24 janvier 2025 - 20 h
dimanche 26 janvier 2025 - 15 h
mardi 28 janvier 2025 - 20 h
Opera seria en deux actes K. 621
Musique de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Livret de Caterino Mazzolà d’après Métastase et La Vie des douze Césars de Suétone
Création : Prague, Stavovské divadlo [Théâtre des États], le 6 septembre 1791, à l’occasion des célébrations du couronnement de Léopold II, roi de Bohême
Dans le cadre du festival Mozart à Monaco proposé par l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo
Nouvelle production, en coproduction avec l’Opéra royal du Danemark et la Staatsoper de Hambourg
La clemenza di Tito de Mozart fut créée à Prague, à l’occasion du couronnement de l’empereur d’Autriche Léopold II comme roi de Bohême. Après son succès initial, l’œuvre acquit une réputation de fadeur. La raison vient sans aucun doute du livret, considéré comme démodé à une époque où les spectateurs commençaient à partager les aspirations de la société bourgeoise en révolte, plutôt que celles de la noblesse d’Ancien Régime. La Clemenza glorifie l’absolutisme et l’image du souverain bienveillant. Un tel sujet avait vraisemblablement paru réactionnaire dès la création mondiale de l’opéra en 1791, deux ans après la Révolution française.
Aujourd’hui, cette œuvre nous fascine grâce à la manière dont Mozart s’est affranchi des contraintes formelles de l’opera seria. Sa musique, d’une poignante intensité, est dans le droit fil des œuvres composées à la fin de sa courte vie. Cecilia Bartoli incarnera Sesto en scène, occasion rare à ne pas manquer.
Les Musiciens du Prince – Monaco
MAÎTRES D’ŒUVRE
Direction musicale
Gianluca Capuano
Mise en scène
Jetske Mijnssen
Assistante à la mise en scène
Kim Mira Meyer
Décors et costumes
Ben Baur
Lumières
Bernd Purkrabek
Assistant aux lumières
Dino Strucken
Chef de chant
David Zobel
Chef de chœur
Stefano Visconti
SOLISTES
Tito
Giovanni Sala
Vitellia
Mané Galoyan
Sesto
Cecilia Bartoli
Servilia
Mélissa Petit
Annio
Anna Tetruashvili
Publio
Péter Kálmán
FIGURATION
Danseuse
Maud Boissière
CHŒUR DE L’OPÉRA DE MONTE-CARLO
Chef de chœur
Stefano Visconti
Consultant pour l’organisation musicale & assistant chef de chœur
Aurelio Scotto
Régisseuse du chœur & bibliothécaire
Colette Audat
Sopranos I
Galia BAKALOV
Chiara IAIA
Giovanna MINNITI
Felicity MURPHY
Leslie Olga Visco
Sopranos II
Rossella ANTONACCI
Letizia PIANIGIANI
Laura Maria ROMO CONTRERAS
VITTORIA GIACOBAZZI
Mezzo-sopranos
Teresa BRAMWELL-DAVIES
Géraldine MELAC
Suma MELLANO
Federica SPATOLA
Altos
ORNELLA CORVI
Catia PIZZI
Rosa TORTORA
Ténors I
Lorenzo CALTAGIRONE
Domenico CAPPUCCIO
Vincenzo DI NOCERA
Nicolo LA FARCIOLA
Ténors II
Fabio MARZI
Adolfo SCOTTO DI LUZIO
Salvatore TAIELLO
Barytons
Fabio BONAVITA
Vincenzo CRISTOFOLI
Kyle Patrick Sullivan
Przemyslaw Baranek
Basses
Paolo MARCHINI
Edgardo RINALDI
Matthew THISTLETON
LES MUSICIENS DU PRINCE - MONACO
General Manager
Margherita Rizzi Brignoli
Régisseurs orchestre
Nicolas Payan
Gleb Lyamenkov
Violons I
Enrico CASAZZA (leader)
Ágnes KERTÉSZ
Archimede Pietro DE MARTINI
Roberto RUTKAUSKAS
Anaïs SOUCAILLE
Muriel QUISTAD
Anna URPINA RIUS
Efix PULEO
Violons II
Nicolas MAZZOLENI (leader)
Massimo PERCIVALDI
Reyes GALLARDO
Gian Andrea GUERRA
Diego Moreno CASTELLI
Svetlana FOMINA
Laura CAVAZZUTI
Altos
Diego MECCA (leader)
Patricia GAGNON HUANG
Elisa IMBALZANO
Bernadette VERHAGEN
Violoncelles
Robin Geoffrey MICHAEL (leader)
Emilie WALLYN CROZATIER
Guillaume FRANCOIS
Nicola Brovelli
Contrebasses
Roberto FERNÁNDEZ DE LARRINOA (leader)
Clotilde GUYON
Flûtes
Martin SANDHOFF (leader)
Rebekka BRUNNER
Hautbois
Pier Luigi FABRETTI (leader)
Guido CAMPANA
Clarinettes
Francesco SPENDOLINI (leader)
Roberta CRISTINI
Bassons
Benny AGHASSI (leader)
Jeong-guk LEE
Cors d’harmonie
Ulrich HÜBNER (leader)
Emmanuel FRANKENBERG
Trompettes
Thibaud ROBINNE (leader)
Sebastian SCHÄRR
Percussions
Saverio RUFO
Pianoforte
Davide Pozzi
PERSONNEL DE SCENE
Directeur de scène
Xavier Laforge
Régisseur général
Elisabetta Acella
Régisseur de scène
Vanessa d’Ayral de Sérignac
Régisseur lumières
Léa Smith
Régisseur sur-titrage
Sarah Caussé
TECHNIQUE
Directeur technique
ND
Responsable du bureau d’études
Nicola Schmid
Chef machiniste
Olivier Kinoo
Yann Moreau
Chef machiniste adjoint
Franck Satizelle
Peintre décorateur
Laurent Barcelo
Serrurier métallier
Schama Imbert
Techniciens de plateau
Jean-Philippe FARAUT
David M'BAPPÉ
Nicolas MANCEL
Morgan DUBOUIL
Samuel CHARIERAS
Scott TASSONE
Jean-François CHOPIN
Khalid NEGRAOUI
Chef électricien et vidéo
Benoît Vigan
Chef électricien adjoint
Gaël Le Maux
Nicolas Alcaraz
Techniciens lumière
Grégory CAMPANELLA
Krystel OKWELANI BUNGU MASWA NTOTO
Florian CAPELLO
Andolin FANTI
Guillaume BREMOND
Pupitreurs lumières
Grégory Masse
Dylan Castori
Technicien vidéo
Felipe MANRIQUE
Chef accessoiriste
Audrey Moravec
Chef accessoiriste adjoint
Franck Escobar
Accessoiristes
Roland BIREN
Nicolas LEROY
Landry BASILE
Chef costumière-habilleuse
Eliane Mezzanotte
Chef costumière-habilleuse adjointe
Emilie Bouneau
Sous-chef costumière-habilleuse
Stéphanie Putegnat
Habilleurs
Véronique TETU
Nadine CIMBOLINI
Roxane AVELLO
Lauriane SENET
Karinne MARTIN
Edwige GALLI
Julie JACQUET
Florence CHAPUIS RINALDINO
Chef perruquière-maquilleuse
Déborah Nelson
Chef perruquière-maquilleuse adjointe
Alicia Bovis
Perruquiers
Corinne PAULÉ
Marilyn RIEUL
Agnès LOZANO
Maquilleurs
Francine RICHARD
Sophie KILIAN TERRIEN
Billetterie
Responsable billetterie
Virginie Hautot
Responsable adjointe billetterie
Jenna Brethenoux
Service billetterie
Ambre Gaillard
Dima Boughos
Assmaa Moussalli
Monsieur Mozart – La clemenza di Tito et Don Giovanni : deux opéras totalement opposés, n’est-ce pas ?
En effet. Le premier est un opéra majestueux reposant sur un des livrets d’opera seria les plus usités, tandis que l’autre est un dramma giocoso qui s’inspire de ce genre de farce paillarde que nous avons pu voir dans les théâtres de faubourg ou sur les champs de foire.
Existe-t-il un point commun entre les deux ?
Prague ! Il régnait un esprit de rivalité entre la capitale de la Bohême et Vienne, qui était à l’époque le centre de l’Empire austro-hongrois, auquel la Bohême était soumise. Mais l’éducation musicale et la musique en général ont prospéré largement à Prague pendant des siècles, alors qu’à Vienne, elles étaient réservées en grande partie aux cercles aristocratiques et à la Cour impériale. Et comme vous le savez, la plupart de ces personnes n’étaient pas particulièrement bien disposées à l’égard de mon travail. La ville de Prague était bien différente de celle de Vienne et comptait de nombreux et excellents théâtres, gérés par des sociétés privées. L’un d’eux m’a invité à superviser une représentation de mes Nozze di Figaro. Devant l’énorme succès rencontré, il m’a immédiatement commandé un nouvel opéra. Mon choix s’est porté sur Don Giovanni, un sujet qui, bien sûr, faisait froncer les sourcils de la cour conservatrice de Vienne. À Prague, en revanche, tout le monde a adoré cet opéra et s’est réjoui que j’aie accepté de composer ce nouveau titre. C’est ainsi qu’une autre commande de Prague arriva quatre ans plus tard, cette fois-ci de la part des États de Bohême, à l’occasion du couronnement de l’empereur d’Autriche Léopold II comme roi de Bohême. Ce fut La clemenza di Tito.
Le premier soir, le couple impérial arriva au théâtre avec une heure de retard. Il n’est pas étonnant que le public ait réagi avec une certaine retenue…
Au début du XIXe siècle, La clemenza di Tito est devenu l’un de mes opéras les plus joués ! Par la suite, il a perdu ses admirateurs car son sujet était considéré alors comme dépassé. Don Giovanni a pris la relève, ainsi que La Flûte enchantée, composée en même temps que ma Clemenza.
Qu’en est-il de leur musique et de leur style ?
Dans Don Giovanni, j’ai pu développer mes concepts sur la structure et le style. Le déroulement dramatique de l’histoire détermine tout, la musique fait avancer l’action, souligne et régit ce qui se passe avec les personnages. Les mots, qui sont d’un grand naturel, souvent drôles voire obscènes, m’ont beaucoup aidé. Je dois remercier le fantastique Lorenzo Da Ponte pour cela.
Mais n’oubliez pas que, dans La clemenza di Tito, mon librettiste Caterino Mazzolà a fait un travail formidable pour resserrer l’intrigue de Métastase et rendre les personnages le plus réels possible. L’intrigue appartient à une époque révolue, mais j’ai souhaité briser la succession traditionnelle et rigide des arias da capo pour écrire plus d’ensembles, apporter davantage d’émotion, faire moderne.
Mais je ne dirai jamais que j’ai préféré l’un à l’autre : les deux sont comme mes enfants, et chacun d’entre eux est aimé d’un même amour !
Rome, an 80 de notre ère.
Acte I
L’empereur Titus est amoureux de Bérénice, fille du roi de Judée, et doit prochainement l’épouser. Jalouse, Vitellia, fille du défunt empereur Vitellius, demande à son jeune soupirant Sextus d’assassiner Titus. Bien qu’il soit un ami proche de l’empereur, Sextus est prêt à tout pour plaire à Vitellia, et il accepte (n° 1, duo «Come ti piace imponi»). Entre Annius, ami de Sextus. Il leur apprend que, pour des raisons d’État et malgré leur amour réciproque, Titus n’épousera finalement pas Bérénice. Vitellia reprend espoir et demande à Sextus de surseoir au projet d’assassinat. Lorsque celui-ci émet des doutes sur l’amour de Vitellia à son égard, elle lui répond d’un ton agacé qu’elle est lasse de ses jérémiades (n° 2, aria «Deh se piacer mi vuoi»). Annius rappelle à Sextus qu’il désire épouser sa sœur, Servilia. Sextus réaffirme leur amitié et promet d’intercéder pour obtenir le consentement de l’empereur (n° 3, duettino «Deh prendi un dolce amplesso»).
Sur le Capitole, Titus fait son arrivée (n° 4, marche). Le peuple romain l’acclame, louant sa puissance et son sens de la justice (n° 5, chœur «Serbate, oh Dei custodi»). Resté seul avec Sextus et Annius, Titus leur annonce que, puisqu’il est obligé de prendre une femme romaine, il a l’intention d’épouser Servilia. Annius fait mine de se réjouir. Titus déclare que la seule joie du pouvoir réside dans la possibilité de soulager les opprimés et de faire le bonheur de ses amis, en tissant par exemple de tels liens familiaux (n° 6, aria «Del più sublime soglio»). Lorsque Annius annonce à Servilia les intentions de l’empereur, la jeune fille l’assure qu’elle ne peut aimer personne d’autre que lui (n° 7, duo «Ah perdona al primo affetto»).
Au palais impérial, le capitaine de la garde Publius apporte à Titus la liste de personnes qui le dénigrent. Mais Titus n’en a cure : il enseigne à Publius les vertus de la mansuétude. Servilia paraît devant l’empereur. Elle lui avoue que son cœur est déjà pris, et que l’heureux élu est Annius. Titus la remercie pour son honnêteté et lui dit qu’il ne l’épousera pas contre son gré (n° 8, aria «Ah, se fosse intorno al trono»). Dans l’ignorance de ce retournement, Vitellia est de nouveau envahie par la jalousie et demande à Sextus de tuer l’empereur sur-le-champ selon le plan établi : mettre le feu au Capitole et poignarder Titus à l’occasion de la panique engendrée. Sextus vole exécuter les ordres de Vitellia, incapable de résister à sa beauté (n° 9, aria «Parto, ma tu ben mio»). À peine a-t-il quitté les lieux que Publius et Annius viennent annoncer à Vitellia que Titus vient de la choisir pour épouse. Vitellia tente vainement de rappeler Sextus. Annius et Publius ne comprennent pas pourquoi, devant cette bonne nouvelle, elle témoigne tant d’effroi (n° 10, trio «Vengo... aspettate…»).
Sextus est déchiré à l’idée de trahir son ami Titus (n° 11, récitatif accompagné «Oh Dei, che smania è questa»). Mais les autres conjurés ont déjà mis le feu au Capitole. Croisant Annius, il se dérobe précipitamment. Vitellia, Servilia, Annius et Publius le cherchent partout. Il réapparaît, cherchant un endroit où se cacher, et annonce que Titus a été poignardé à mort. Il est sur le point d’avouer son crime, mais Vitellia le fait taire (n° 12, quintette avec chœur «Deh conservate, oh Dei»).
Acte II
Au palais impérial, Annius annonce à Sextus que l’empereur est toujours en vie. Sextus avoue sa trahison mais refuse d’en donner la raison. Annius lui conseille de tout confesser à Titus et d’espérer son pardon (n° 13, aria «Torna di Tito a lato»). Vitellia entre, suppliant Sextus de s’enfuir. Mais il est trop tard. Publius arrive avec des soldats pour l’arrêter : l’homme poignardé n’était pas Titus mais Lentulus, lequel a survécu et a dénoncé Sextus. Publius et ses hommes emmènent le meurtrier, qui demande à Vitellia de se souvenir de son amour et de son sacrifice (n° 14, trio «Se al volto mai ti senti»).
Dans la grande salle des audiences publiques, le peuple romain rend grâce aux dieux d’avoir épargné Titus (n° 15, chœur «Ah grazie si rendano»).
Dans son cabinet, Titus tente de se convaincre que Sextus n’a pu lui être déloyal. Ne pouvant trouver la paix tant qu’il restera dans l’ignorance, il envoie Publius chercher la sentence du Sénat. Le capitaine de la garde met l’empereur en garde contre sa trop grande indulgence (n° 16, aria «Tardi s’avvede»). Publius revient : Sextus a été condamné aux fauves. Annius arrive pour implorer la clémence de Titus (n° 17, aria «Tu fosti tradito»). Déchiré, Titus ne peut se résoudre à signer la sentence de mort avant d’avoir pu interroger lui-même Sextus. Il ordonne qu’on le lui amène (récitatif accompagné «Che orror ! che tradimento !»). Un long tête-à-tête s’engage entre les deux amis, mais il tourne court lorsque Sextus refuse de révéler ses motivations, afin de ne pas compromettre Vitellia (n° 18, trio «Quello di Tito è il volto»). Furieux, Titus congédie Sextus. Au moment de partir, Sextus demande à Titus de ne pas oublier leur ancienne amitié (n° 19, rondò «Deh per questo istante solo»). Titus signe le décret de mort puis se ravise, incapable d’envoyer un ami, même infidèle, à la mort (n° 20, aria «Se all’impero, amici Dei»). Titus se rend avec Publius aux arènes, non sans crier aux dieux qu’il ne peut se résoudre à être un souverain cruel.
Entrent Servilia et Annius. Rencontrant Vitellia, ils la supplient d’intercéder pour sauver Sextus. Apprenant par son frère que ses noces sont organisées le soir même, elle comprend que Sextus ne l’a pas dénoncée et s’émeut de son amour et de sa fidélité. Voyant son trouble, Servilia essaie de nouveau de susciter sa pitié (n° 21, aria «S’altro che lacrime»). Laissée seule, Vitellia comprend qu’elle ne peut pas monter sur le trône au prix du sang de Sextus (n° 22, récitatif accompagné «Ecco il punto, oh Vitellia» et n° 23, rondò «Non più di fiori vaghe catene»).
Aux arènes, le chœur témoigne son affection à son empereur (n° 24, chœur «Che del ciel, che degli Dei»). Titus s’apprête à prononcer la sentence de Sextus, lorsque Vitellia se jette à ses pieds et avoue qu’elle est la seule responsable de la tentative d’assassinat. L’empereur, déconcerté, explique qu’il avait de toute manière l’intention de pardonner à Sextus. Il gracie finalement tous les conspirateurs (n° 25, récitatif accompagné «Ma che giorno è mai questo ?»). Tous louent la clémence de Titus et demandent aux dieux de lui accorder une longue vie, tandis que l’empereur demande aux dieux de briser le fil de sa vie quand il ne se souciera plus du bonheur de Rome (n° 26, sextuor avec chœur «Tu, è ver, m’assolvi Augusto»).
Le 5 septembre 1791, trois mois jour pour jour avant sa mort prématurée, Mozart met le point final à son avant-dernier opéra, La clemenza di Tito (le dernier, La Flûte enchantée, sera présenté le 30 septembre à Vienne). À en croire son premier biographe, Franz Xaver Niemetschek (1798), il a mis dix-huit jours pour composer cet ouvrage, le second écrit pour Prague après Don Giovanni en 1787. Pièce de commande, Tito accompagne le couronnement comme roi de Bohême de l’archiduc Léopold II de Habsbourg-Lorraine, qui a succédé l’année précédente à son défunt frère Joseph II à la tête de l’Autriche et du Saint Empire romain germanique.
Comme grand-duc de Toscane, Léopold II a fait la preuve de son ouverture d’esprit. Épris des principes des Lumières, il a été le premier souverain à abolir la peine de mort. Mais, en montant sur le trône d’Autriche en 1790, il hérite d’une situation politique tendue : ses vassaux hongrois et bohémiens se montrent de plus en plus remuants, et en France sa sœur Marie-Antoinette est en péril, un an après l’éclatement de la Révolution. Le choix du sujet confié à Mozart est donc crucial. Il se porte sur l’un des livrets les plus rebattus de Métastase, poète officiel de la cour d’Autriche de 1730 à 1782 et grand ordonnateur du genre de l’opera seria. Écrit en 1734 pour célébrer la fête du propre grand-père de Léopold, Charles VI, avec une musique d’Antonio Caldara, La clemenza di Tito a par la suite été illustré encore une quarantaine de fois.
Depuis Idomeneo, dix ans plus tôt, Mozart n’a plus composé d’opera seria. Ce genre prédominant dans l’Europe baroque (seule la France lui avait résisté) vit alors ses derniers feux, et ses stéréotypes ne sont pas pour plaire à l’esprit original et frondeur qu’est le compositeur des Noces de Figaro. Néanmoins, la solennité de la circonstance requiert ce genre royal entre tous, dans lequel prime l’exhibition vocale et dont les personnages, nobles par leur naissance comme par leurs actions, forment le miroir évident du souverain commanditaire, ou au moins de l’image qu’il entend donner : en l’occurrence celle d’un souverain éclairé, grâce auquel l’ordre triomphe sur le chaos et la mansuétude sur la haine et la violence.
Les festivités du couronnement se déroulent sur plusieurs jours mais l’opéra de Mozart, dont la première eut lieu le soir même du couronnement, le 6 septembre, est l’événement le plus attendu. La création est pourtant un échec. Le spectacle, gratuit, a attiré une foule considérable qui s’est entassée au sein d’un Théâtre des États bien trop exigu. L’attente n’en finit pas et, au terme d’une journée déjà longue, le public s’impatiente. L’épouse de Léopold II, l’infante Marie-Louise d’Espagne, qualifie l’ouvrage de «porcherie allemande en langue italienne». Les reprises payantes, les jours suivants, rencontreront plus de succès. L’ouvrage gagnera toute l’Allemagne, souvent traduit et mutilé. Mais, au cours du xixe siècle, il entrera dans un long purgatoire, devenant l’opéra de maturité de Mozart le plus incompris.
Claire Delamarche
La clemenza di Tito conserve plusieurs traits typiques de l’opera seria. Par rapport à l’équilibre sonore imposé par l’opéra classique et romantique, les tessitures vocales sont décalées vers l’aigu, avec quatre des six rôles décrits par Mozart comme «sopranos» : les deux rôles de femmes, Vitellia et Servilia, celui de Sesto (initialement confié à un castrat) et celui d’Annio (travesti) – dans la production monégasque, ces deux rôles reviennent à des mezzo-sopranos féminins. Empereur dans la force de l’âge, Tito est un ténor, tandis que le capitaine Publio, représentant l’autorité, est une basse. Par ailleurs, comme le veut le genre de l’opera seria et comme il sied à la circonstance, Tito est un feu d’artifice vocal : les chanteurs doivent avoir un legato impeccable dans les passages cantabile (les plus mélodieux) mais être tout aussi maîtres des vocalises les plus enflammées.
Toutefois, pour coller davantage à l’époque, le livret subit quelques remaniements. De trois actes, il est condensé en deux. L’intrigue secondaire nouée autour d’Annio et Servilia est allégée, et les auteurs s’emploient surtout à rompre l’alternance usante des récitatifs secs (accompagnés de la seule basse continue), lieux de l’action, et des arie da capo, lieux des sentiments. Ils introduisent à cet effet des duos, ensembles et chœurs, ainsi que des récitatifs accompagnés (c’est-à-dire accompagnés par l’orchestre) et donnent aux airs des moules plus modernes. Le librettiste, Caterino Mazzolà, poète de l’électeur de Saxe, s’acquitta de cette tâche avec maestria.
De forme tripartite, l’aria da capo est par essence une forme où l’action s’arrête : en effet son troisième et dernier volet est la reprise intégrale du premier, da capo, c’est-à-dire à partir du début. Le seul air dans cette forme est dévolu au rôle-titre, une manière peut-être de traduire son respect de la loi. Pourtant, cet air (le n° 20, «Se all’impero, amici Dei») voit Tito se rebeller contre la nécessité, pour un empereur, d’avoir un cœur cruel. Mais cette forme qui revient sur ses pas s’adapte au propos, assez statique, et la splendeur vocale de l’air, alliée à la variété de son accompagnement orchestral, en fait l’une des plus belles pages de la partition – et une des plus éminemment mozartiennes. Qui plus est, cet air s’inscrit dans une structure plus vaste, longue méditation sur le pouvoir où il est précédé par le récitatif accompagné de Tito («Che orror ! che tradimento !»), son dialogue avec Sesto en présence de Publio (n° 18, trio «Quello di Tito è il volto»), et l’appel de Sesto à l’amitié de Tito (n° 19, rondò «Deh per questo istante solo»).
La forme da capo – où la reprise da capo était traditionnellement le lieu des ornementations vocales les plus exubérantes – ne s’accordait plus à l’esprit du temps, où les nécessités dramatiques avait pris le pas sur celles du chant. Il n’était plus question, après le changement d’état d’esprit que traduisait la partie centrale, que le personnage puisse revenir en arrière comme si de rien n’était. Cette forme tripartite laisse donc place dans Tito à des arias bipartites lent/vif couronnées d’une coda. Dans le n° 19, «Deh per questo istante solo», de Sesto et le n° 23, «Non più di fiori vaghe catene», de Vitellia, pages plus vastes et plus ambitieuses dans leur construction (le matériau thématique de la partie lente nourrissant, métamorphosé, la partie rapide), ce type d’air prend le nom de rondò. Et dans les cas où la coda est particulièrement développée et exaltée, comme le n° 9, «Parto, ma tu ben mio», de Sesto, on devine les prémices – dans des proportions encore modestes – de la construction cantabile / tempo di mezzo / cabalette qui fera les beaux jours de l’opéra romantique italien.
Le «Parto, ma tu ben mio» de Sesto et le rondò de Servilia comptent parmi les numéros les plus originaux, car Mozart y glisse des parties envoûtantes de clarinette obligée à l’intention de son ami Anton Stadler. L’air de Sesto est écrit pour clarinette de basset, une clarinette standard augmentée de quelques notes supplémentaires dans le grave dont Stadler était le concepteur (Mozart composa pour cet instrument et son père spirituel deux autres chefs-d’œuvre de son crépuscule, le Quintette avec clarinette KV 581 en 1789 et le Concerto pour clarinette KV 562, écrit juste après Tito). Le plus «vocal» des instruments à vent y rivalise en volubilité avec la voix, l’extension vers le grave lui permettant des dégringolades et des envolées sur plus de trois octaves, étendue inaccessible à une voix humaine normalement constituée. La première partie (adagio) exprime sa douleur de quitter Vitellia. La seconde (allegro) traduit sa détermination à aller venger sa bien-aimée. Et la coda, encore plus vive (allegro assai), voit son exaltation déchaînée.
Le rondò de Vitellia fait intervenir un cor de basset, c’est-à-dire une clarinette alto, au timbre plus sombre que la clarinette ordinaire en si bémol ou en la. Introduit par un récitatif accompagné, il n’a rien à envier aux grandes pages d’Elvira (Don Giovanni) ou Fiordiligi (Così fan tutte). Sa forme à la fois souple et obsédante s’adapte parfaitement aux revirements psychologiques de l’ambitieuse et insensible princesse, alors qu’une reprise da capo eût anéanti tout l’édifice : le personnage se fissure, Vitellia prend conscience du sacrifice de Sesto et, épouvantée par le spectre de sa propre mort (chute glaçante dans le grave de la tessiture), elle reprend finalement ses esprits et résout d’aller se dénoncer de ses crimes.
Le moment le plus magistral est un ajout de Mozart et Mazzolà : le quintette avec chœur qui sert de finale au premier acte, le n° 12 «Deh conservate, oh Dei». Sommet expressif de l’ouvrage et point de bascule de la tragédie, il fait la preuve du génie dramatique de Mozart : l’action évolue non pas grâce à des récitatifs mais par l’enchaînement de différentes unités musicales. Sesto semble entonner un air mais celui-ci laisse bientôt place à un terrifiant concertato (ensemble où les personnages entrent successivement) de Servilia, Annio et Publio, ponctués par le chœur : le Capitole est en flammes. La sortie rapide de Sesto et sa réapparition sur scène correspondent au régicide, perpétré derrière le rideau. Le chœur en coulisse se superpose alors aux cinq solistes pour commenter douloureusement les funestes événements. En quelques minutes on est passé d’une épouvante rappelant la mort de Don Giovanni à une désolation digne du Requiem, dont Mozart avait reçu la commande un mois et demi avant la première de Tito.
Par ces ajouts et ces innovations, Mazzolà et Mozart rompent avec l’essence de l’opera seria, même s’ils en conservent de nombreux traits extérieurs. Les personnages n’ont plus le caractère stéréotypé de ceux de Métastase, qui rendait possible pour un chanteur vedette de remplacer un air ou l’autre par des morceaux plus à son goût – les airs «de valise» – sans grand dommage pour le déroulement général. À la croisée d’un genre moribond et d’un romantisme qui ne fait encore que poindre, Tito souffre également du fait que Mozart ne fut jamais un authentique tragédien : c’est certainement au cœur d’un dramma giocoso comme Don Giovanni qu’il est le plus poignant, ou dans l’intimité de sa musique instrumentale – ces mouvements lents de quatuors ou de concertos qui ouvrent des abîmes. Pourtant, Mozart et Mazzolà ont semé des germes destructeurs en faisant passer l’opéra métastasien de sérieux à tragique. En douceur, sans renoncer au lieto fine, le dénouement heureux obligatoire. Mais le pénultième opéra de Mozart va au-delà de ce que Métastase a jamais rêvé, maillon atypique mais incontournable d’une lignée de souverains étreints par le doute que couronneront Philippe II (Don Carlos) et Simon Boccanegra de Verdi.
Claire Delamarche