Giordano Andrea Chénier
mardi 21 février 2023 - 20 h (Gala)
jeudi 23 février 2023 - 20 h
samedi 25 février 2023 - 20 h
Drame historique en 4 tableaux
Musique d’Umberto Giordano (1867-1948)
Livret de Luigi Illica
Création : Milan, Teatro alla Scala, le 28 mars 1896
Nouvelle production, en coproduction avec le Teatro Comunale de Bologne
Ne serait-ce pas un opéra écrit par un compositeur italien –Umberto Giordano–, sur un texte d’un librettiste lui aussi italien –le célèbre Luigi Illica– et créé sur la scène de la Scala de Milan qui décrirait le plus viscéralement la violence et les excès de la Révolution française?
Fleuron de la Giovane Scuola, Andrea Chénier est bien plus qu’une série d’airs et duos mémorables offerts à ses trois principaux solistes. C’est aussi une œuvre chorale dont les multiples personnages sont croqués d’un trait vif et avec une justesse remarquable. Ainsi se superpose, au récit poignant de l’amour qu’éprouve jusqu’à la mort la jeune Madeleine de Coigny pour le poète André Chénier, une habile description du basculement de l’Ancien Monde vers des temps incertains, mais aussi des pulsions destructrices qui habitent l’être humain dès que les normes sociales de son environnement tendent à disparaître.
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE MONTE-CARLO
ACADÉMIE PRINCESSE GRACE - BALLETS DE MONTE-CARLO
Les maîtres d'œuvre
Direction musicale
Marco Armiliato
Mise en scène
Pier Francesco Maestrini
Décors et conception vidéo
Nicolás Boni
Conception vidéo
Matias Otalora
Costumes
Stefania Scaraggi
Lumières
Daniele Naldi
Chorégraphie et assistante à la mise en scène
Silvia Giordano
Chef de chœur
Stefano Visconti
Chef de chant
Kira Parfeevets
Assistant aux costumes
Paolo Vitale
Assistant à la lumière
Alberto Cannoni
SOLISTES
Andrea Chénier
Jonas Kaufmann
Carlo Gérard
Claudio Sgura
Maddalena de Coigny
Maria Agresta
Bersi
Fleur Barron
La Comtesse de Coigny
Annunziata Vestri
Madelon
Manuela Custer
Roucher
Alessandro Spina
Fléville
Andrew Moore
Fouquier-Tinville
Giovanni Furlanetto
Mathieu
Fabrice Alibert
Un incroyable
Reinaldo Macias
L'Abbé
David Astorga
Dumas/Schmidt
Eugenio di Lieto
Un Majordome
Matthew Thistleton
Harpe solo
Sophia Steckeler
DANSEURS DE L’ACADEMIE DE DANSE PRINCESSE GRACE
Sienna Going
Paloma Livellara Vidart
Filippo Mambelli
Santos Martinho Lima
Muu Sakamoto
Juliette Windey
FIGURANTS
Amandine Aïchoun
Peter Bateson
Delphine Beaulieu
Mélissa Calatayud
Céline Capacci
Ludivine Colle Denane
Morena Di Vico
Moa Ferreira
Guillaume Funel
Emilie Jedwab-Wroclawski
Anne Le Forestier
Nicolas Leroy
Stephane Martin
Kevin Pastore
Sophie Payan
Laure Rivaud-Pearce
Dmitri Tsourikov
Artem Ustinov
Yuliya Ustinov
Nicolas Vitale
FIGURANTS ENFANTS
Marcel Blanchard
Daniel Gunalons
Matthieu Lecerf
CHŒUR DE L’OPÉRA DE MONTE-CARLO
Chef de chœur
Stefano Visconti
Consultant pour l’organisation musicale & assistant chef de chœur
Aurelio Scotto
Régisseuse du chœur & bibliothécaire
Colette Audat
Sopranos I
Galia BAKALOV
Antonella CESARIO
Chiara IAIA
ALESSANDRA MEOZZI*
Giovanna MINNITI
Felicity MURPHY
Paola VIARA-VALLE
Sopranos II
Rossella ANTONACCI
LUISA MARIA BERTOLI*
Marialucia CARUSO
Valérie MARRET
Letizia PIANIGIANI
Laura Maria ROMO CONTRERAS
Mezzo-sopranos
Teresa BRAMWELL-DAVIES
ERICA CORTESE*
Géraldine MELAC
Suma MELLANO
Federica SPATOLA
Altos
Maria-Elisabetta DE GIORGI
Catia PIZZI
Janeta SAPOUNDJIEVA
Paola SCALTRITI
Rosa TORTORA
SIMONA TOTELECAN*
Ténors I
Walter BARBARIA
Lorenzo CALTAGIRONE
Domenico CAPPUCCIO
Vincenzo DI NOCERA
Thierry DIMEO
Nicolo LA FARCIOLA
MANFREDO MENEGHETTI*
Ténors II
Gianni COSSU
Pasquale FERRARO
BENOÎT GUNALONS*
Fabio MARZI
Adolfo SCOTTO DI LUZIO
Salvatore TAIELLO
Barytons
Fabio BONAVITA
Jean-François Baron*
Vincenzo CRISTOFOLI
Daniele DEL BUE
Luca VIANELLO
Basses
Andrea ALBERTOLLI
Przemyslaw BARANEK
Paolo MARCHINI
Edgardo RINALDI
Matthew THISTLETON
GIUSEPPE ZEMA*
*choristes supplémentaires pour les représentations d'Andréa Chénier
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE MONTE-CARLO
Directeur artistique et musical
KAZUKI YAMADA
Premiers violons
DAVID LEFÈVRE
LIZA KEROB
SIBYLLE DUCHESNE
ILYOUNG CHAE
NICOLE CURAU DUPUIS
GABRIEL MILITO
SORIN TURC
MITCHELL HUANG
THIERRY BAUTZ
ZHANG ZHANG
ISABELLE JOSSO
MORGAN BODINAUD
MILENA LEGOURSKA
JAE-EUN LEE
ADELA URCAN
DIANA MYKHALEVYCH
Seconds violons
PÉTER SZÜTS
NICOLAS DELCLAUD
CAMILLE AMERIGUIAN-MUSCO
FRÉDÉRIC GHEORGHIU
NICOLAS SLUSZNIS
ALEXANDRE GUERCHOVITCH
GIAN BATTISTA ERMACORA
LAETITIA ABRAHAM
KATALIN SZÜTS-LUKÁCS
ERIC THOREUX
RALUCA HOOD-MARINESCU
ANDRIY OSTAPCHUK
Sofija Radic
Anne-Cécile Lecaille*
Altos
FRANÇOIS MÉREAUX
FEDERICO ANDRES HOOD
FRANÇOIS DUCHESNE
CHARLES LOCKIE
RICHARD CHAUVEL
MIREILLE WOJCIECHOWSKI
SOFIA TIMOFEEVA
TRISTAN DELY
RAPHAËL CHAZAL
YING XIONG
THOMAS BOUZY
RUGGERO MASTROLORENZI
Patricia Gagnon*
Violoncelles
THIERRY AMADI
DELPHINE PERRONE
ALEXANDRE FOUGEROUX
FLORENCE RIQUET
BRUNO POSADAS
THOMAS DUCLOY
PATRICK BAUTZ
FLORENCE LEBLOND
THIBAULT LEROY
CAROLINE ROELAND
Contrebasses
MATIAS BENSMANA
TARIK BAHOUS
THIERRY VERA
MARIANA VOUYTCHEVA
JENNY BOULANGER
SYLVAIN RASTOUL
ÉRIC CHAPELLE
DORIAN MARCEL
Flûtes
ANNE MAUGUE
RAPHAËLLE TRUCHOT BARRAYA
DELPHINE HUEBER
Véronique Charpentron*
Piccolo
MALCY GOUGET
Hautbois
MATTHIEU BLOCH
MATTHIEU PETITJEAN
MARTIN LEFÈVRE
Cor anglais
JEAN-MARC JOURDIN
Clarinettes
MARIE-B. BARRIÈRE-BILOTE
VÉRONIQUE AUDARD
Petite clarinette
DIANA SAMPAIO
Clarinette basse
PASCAL AGOGUÉ
Bassons
FRANCK LAVOGEZ
ARTHUR MENRATH
MICHEL MUGOT
Contrebasson
FRÉDÉRIC CHASLINE
Cors
PATRICK PEIGNIER
ANDREA CESARI
DIDIER FAVRE
BERTRAND RAQUET
LAURENT BETH
DAVID PAUVERT
Trompettes
MATTHIAS PERSSON
GÉRALD ROLLAND
SAMUEL TUPIN
RÉMY LABARTHE
Trombones
JEAN-YVES MONIER
GILLES GONNEAU
LUDOVIC MILHIET
Tuba
FLORIAN WIELGOSIK
Timbales
JULIEN BOURGEOIS
Percussions
MATHIEU DRAUX
Antoine Lardeau
Benoit Pierron*
Nicolas Castagnola* (tambour en coulisse)
Harpe
SOPHIA STECKELER (harpe sur scène)
Elise Veyres*
*musiciens supplémentaires pour les représentations d'Andréa Chénier
PERSONNEL DE SCÈNE
Régie
Directeur de scène
Xavier Laforge
Régisseur principal
Elisabetta Acella
Régisseur de scène
Jérôme Chabreyrie
Régisseur lumières
Nicolas Payan
Régisseur sur-titrage
Sarah Caussé
Régisseur enfants
Laëtitia Estiot
Technique
Directeur technique
Vincent Payen
Responsable du bureau d'études
Nicola Schmid
Chef machiniste
PASCAL Grenier
Olivier Kinoo
Pupitreurs machinistes
Yann Moreau
Franck Satizelle
Techniciens de plateau
Tom Ayrault
Laurent Barcelo
Tom Cressi
Morgan Dubouil
Jean-Philippe Faraut
Axel Gbedo
Schama Imbert
David M'bappé
Khalid Negraoui
Thomas Negrevergne
Techniciens de plateau
Jean-François Faraut
Frédéric Laugier
Chef électricien
Benoît Vigan
Chef électricien adjoint
Gaël Le Maux
Techniciens lumière
Nicolas Alcaraz
Thomas Hec
Céline Luciani
Laurent Renaux
Pupitreurs
Dylan Castori
Grégory Masse
Responsable audio/vidéo
Benjamin Grunler
Technicien audio/vidéo
Felipe Manrique
Chef accessoiriste
Audrey Moravec
Accessoiristes
Landry Basile
Roland Biren
Heathcliff Bonnet
Franck Escobar
Chef costumière-habilleuse
Eliane Mezzanotte
Chef costumière-habilleuse adjointe
Emilie Bouneau
Sous-chef costumière-habilleuse adjointe
Véronique Tetu
Habilleurs
Roxane Avello
Christian Calviera
Nadine Cimbolini
Lili Fortin
Edwige Galli
Julie Jacquet
Karinne Martin
Stéphanie Putegnat
Florence Rinaldino
Lauriane Senet
Chef perruquière-maquilleuse
Déborah Nelson
Chef perruquière-maquilleuse adjointe
Alicia Bovis
Perruquiers
Jean-Pierre Gallina
Karl David Gianfreda
Corinne Paulé
Marilyn Rieul
Maquilleurs
Margot Jourdan
Sophie Kilian
Rémy Rebaudo
Francine Richard
Argument
Premier Tableau
La demeure de la Comtesse de Coigny, aux environs de Paris, durant l’hiver 1789.
Dans la grande véranda du jardin d’hiver, on prépare une brillante réception. Une foule de valets et de laquais s’affaire. Le serviteur Gérard transporte un canapé bleu. Depuis le jour où on l’a surpris en train de lire Rousseau et les Encyclopédistes, on ne le laisse plus en paix et il s’en plaint ironiquement au canapé («Compiacente a’ colloqui del cicisbeo»). Du jardin s’avance son vieux père, courbé sous le poids d’un meuble ; ce spectacle indigne Gérard («Son sessant’anni, o vecchio, che tu servi !»). Les idées révolutionnaires de Gérard ne l’empêchent pas d’aimer Madeleine de Coigny, la fille de la Comtesse. Madeleine entre justement, accompagnée de sa mère et de sa fidèle servante, la mulâtre Bersi. La Comtesse s’inquiète de l’avancée des préparatifs et la fille contemple le coucher de soleil, sous le regard admiratif de Gérard («Il giorno già s’insera lentamente !»).
Les invités arrivent. Parmi eux se trouve le poète André Chénier. L’Abbé apporte de Paris de mauvaises nouvelles : le roi est faible, mal conseillé par Necker, il y a un Tiers-État et la statue d’Henri IV a été offensée. L’angoisse monte, mais Pierre Fléville la dissipe rapidement («Passiamo la sera allegramente»). Il invite l’assemblée à admirer la pastorale qu’il a écrite. Bergers et pastourelles déclament en soupirant les vers arcadiens de sa composition, déchaînant les moqueries. Madeleine demande alors à Chénier d’improviser des vers. Tout d’abord réticent, le poète s’abandonne à une grande tirade où il exprime successivement son amour de la patrie, sa révolte devant la misère et son admiration pour Madeleine, dont il a perçu l’humanité («Un dì all’azzurro spazio»). Son air a transporté Gérard, qui fait irruption au milieu d’une gavotte à la tête d’un groupe de mendiants. Après un moment de malaise, la Comtesse ordonne que la danse reprenne.
Deuxième Tableau
Paris, un jour de juin 1794. Au premier plan, un autel dédié à Marat, le café Hottot et la terrasse des Feuillants ; au fond, l’ex-Cours-la-Reine et le pont Péronnet, qui traverse la Seine et mène au palais des Cinq-Cents.
Toute une foule se trouve là, parmi laquelle des sans-culottes, des Incroyables, des Merveilleuses, et Bersi, la servante des Coigny. Chénier est assis, seul, à une table du café Hottot. Le sans-culotte Mathieu et son ami Horace Coclès parlent de révolution. Bersi remarque qu’un Incroyable semble la surveiller ; elle l’interroge sur les espions de Robespierre et feint d’être convertie à la cause révolutionnaire («Temer, perché ?») ; mais sa profession de foi ne convainc pas l’homme, qui décide de continuer à l’espionner. Le véritable but de l’Incroyable est de remettre à la justice le contre-révolutionnaire Chénier. Roucher, arrivé au café, tente vainement de convaincre son ami de fuir pour sauver sa tête. Mais Chénier veut rester : il croit à son destin, et notamment à l’amour qui lui est promis. Une femme mystérieuse lui a en effet envoyé de brûlantes lettres signées Espérance, et il veut la retrouver («Credo a una possanza arcana»). Roucher examine les missives et, relevant l’écriture calligraphiée, le papier raffiné et parfumé de rose, il pense que l’expéditrice est une Merveilleuse qui tente de le piéger. Chénier espérait que sa correspondante anonyme fût Madeleine, dont il est épris. Déçu, il accepte de partir. La foule acclame Gérard et le passage des Représentants : Robespierre, Collot d’Herbois, Barère, Saint-Just, Couthon, David, Tallien, Fréron, Barras, Fouché, Thuriot, Carnot… Pendant ce temps, Gérard, toujours amoureux de Madeleine, demande à l’Incroyable de la lui retrouver. Bersi, de son côté, prévient Chénier que l’inconnue doit venir le retrouver près de l’autel. Malheureusement, l’Incroyable a surpris cette conversation. Chénier se prépare au rendez-vous et, par prudence, choisit de s’armer.
La nuit tombe, des patrouilles commencent leur ronde et l’espion se dissimule derrière un arbre. Chénier rencontre son Espérance, qui se révèle être Madeleine vêtue en humble couturière. Madeleine implore l’aide de Chénier, et tout deux se déclarent la flamme qui ne les a pas quittés depuis leur première rencontre («Eravate possente»). Ils se jurent fidélité jusqu’à la mort. L’espion, qui n’a rien perdu de la conversation, court avertir Gérard, lequel se hâte d’arriver et tente d’arracher Madeleine à Chénier. Le fidèle Roucher emmène rapidement la jeune fille. Les deux rivaux croisent le fer, et Gérard est blessé. Avec noblesse, il prévient Chénier que Fouquier-Tinville a inscrit son nom sur la liste noire et l’enjoint de fuir et de protéger Madeleine. Aux gardes nationaux accourus, il tait le nom de son agresseur et laisse croire à un complot girondin. Il sombre dans l’inconscience, tandis que la foule appelle à la mort des Girondins.
Troisième Tableau
Première section du Tribunal révolutionnaire. Un drapeau tricolore annonce : «La patrie est en danger.» Sur la table, une grande urne attend les dons des citoyens.
Mathieu exhorte le peuple à donner des offrandes pour la Révolution, mais n’obtient guère de succès («Dumouriez tradittore e giacobino»). Gérard, qui souffre encore de ses blessures, se montre plus persuasif («Lacrime e sangue dà la Francia»). Des citoyennes viennent offrir leurs objets de valeur. La vieille Madelon amène son petit-fils de 15 ans, son seul soutien, pour le faire engager dans l’armée révolutionnaire ; elle lui fait des adieux déchirants («Son la vecchia Madelon»). Dans la rue, le peuple chante la Carmagnole. L’Incroyable annonce à Gérard que Chénier a été arrêté, et que Madeleine ne tardera sans doute pas à le rejoindre («Donnina innamorata»). Tout d’abord hésitant, Gérard signe l’acte d’accusation affirmant que Chénier a trahi la Révolution ; mais il ne le fait pas sans remords. Il s’interroge sur cet idéal qui le transforme en assassin ; s’il a changé de maîtres, il est toujours esclave («Nemico della patria ?»). Entre Madeleine, qui a appris l’arrestation de Chénier. Gérard lui confesse son amour («Io l’ho voluto allora che tu piccina») et, ivre de jalousie, tente de la posséder. Madeleine veut s’échapper, puis accepte de se donner à Gérard si cela peut sauver Chénier. Ému, Gérard éclate en sanglots. Madeleine apprend à son ancien valet que sa mère a été tuée, que le château a brûlé, et qu’elle doit la vie à la fidèle Bersi. Elle raconte comment, dans un élan d’extase, elle a alors eu la vision d’un ange, incarnation de l’amour, qui la menait à la mort («La mamma morta»). À cet instant, le Greffier du tribunal apporte à Gérard la liste des accusés ; elle porte le nom de Chénier. Saisi de remords, Gérard offre sa vie pour qu’on sauve le poète de la Révolution sanguinaire. Mais il est trop tard. On fait entrer les prévenus. Accusé d’avoir combattu avec Dumouriez et corrompu les mœurs de sa plume, Chénier se défend avec arrogance («Sì, fui soldato»). Gérard avoue avoir porté une fausse accusation, mais Fouquier-Tinville la reprend à son propre compte. Le poète est condamné à mort tandis que la foule avide de sang exulte. On emmène Chénier ; Madeleine s’effondre, désespérée.
Quatrième Tableau
La cour de la prison Saint-Lazare, tard dans la nuit.
Chénier écrit son dernier poème, adieu à la vie et vibrant hommage à la poésie, «ultime déesse». Il le lit à Roucher, venu lui faire ses adieux («Come un bel dì di maggio»). Au dehors, Mathieu entonne la Marseillaise. Gérard arrive avec Madeleine. Il est au désespoir d’avoir échoué à sauver Chénier. Décidée à suivre son amant dans la mort, Madeleine soudoie le geôlier Schmidt et obtient de prendre la place d’une autre femme, Idia Legray, qui doit être exécutée le lendemain. Dans un dernier espoir, Gérard court demander leur grâce auprès de Robespierre. Madeleine et Chénier se préparent à la mort avec sérénité. Ils montent ensemble dans la charrette qui les mène à l’échafaud, au comble de l’extase d’être enfin réunis. Tandis qu’ils s’éloignent, Gérard revient. Étreint par la douleur, il tient à la main le billet que lui a fait remettre Robespierre, au lieu de le recevoir : «Même Platon bannit les poètes de sa République.»
La genèse contrariée d’un chef-d’œuvre
Quatrième opéra d’Umberto Giordano, Andrea Chénier est aussi le plus connu. Aucun de ses opéras ouvrages ne rencontrera le même succès, pas même Fedora, créé en 1898 au Teatro Lirico de Milan avec un tout jeune Enrico Caruso. Chénier doit sa popularité à son magnifique rôle-titre, dont les airs admirablement écrits pour la voix ont fait un cheval de bataille de nombreux ténors. Le baryton et la soprano ne sont pas en reste : les personnages de Gérard et Madeleine ont eux aussi de nombreux atouts de séduction, et ils ont fait le bonheur des plus grands chanteurs.
Pourtant, la genèse de l’œuvre ne fut pas de tout repos ; la première représentation, le 28 mars 1896 à la Scala de Milan, ne put avoir lieu qu’après la levée de nombreux obstacles.
Giordano se fit remarquer en 1888 en participant au concours de composition organisé par l’éditeur milanais Edoardo Sonzogno, où il remporta le sixième prix avec son premier opéra, Marina, un ouvrage en un acte. Ce succès lui valut la commande d’un ouvrage plus développé où il accentua le caractère vériste qui avait fait le succès de Cavalleria rusticana, l’opéra de Mascagni qui avait gagné la même compétition. Ce deuxième opéra, Mala vita (1892), révéla le nom de Giordano à travers l’Italie et jusqu’à Berlin et Vienne. Mais le troisième ouvrage du jeune musicien de Foggia, Regina Diaz (1894), connut un sort moins enviable : après deux représentations, Sonzogno le retira de l’affiche du Teatro Mercadante de Naples, supprimant du même coup la rente mensuelle de 300 lires qu’il octroyait à son jeune poulain.
C’est grâce au richissime baron Alberto Franchetti, compositeur influent de la maison Sonzogno, que Giordano put rentrer dans les bonnes grâces de son mentor. Franchetti céda à son cadet un livret que lui avait écrit le librettiste le plus en vue du moment, Luigi Illica : Andrea Chénier. Il obtint que Sonzogno reprenne le versement de la rente suspendue ; mais il exigea en contrepartie que Giordano le rembourse des 200 lires payées à Illica en échange des droits exclusif sur le livret. Pour se rapprocher du poète, qui travaillait au même moment à La Bohème de Puccini, Giordano s’installa à Milan au cours de l’été 1895.
Les discussions furent nombreuses, Giordano laissant le plus souvent son illustre collaborateur faire à sa guise. Ainsi Illica obtint-il de développer le rôle de la servante mulâtre Bersi, pour mettre en valeur le talent de sa future interprète, la mezzo-soprano française Lison Frandin (qui fut par ailleurs une grande Carmen).
Le 27 janvier 1796, Giordano posa le point final. Mais ses ennuis ne faisaient que commencer. Amintore Galli, conseiller musical de Sonzogno et critique du quotidien dont l’éditeur était le propriétaire, Il secolo, déclara que l’ouvrage était «impossible à représenter».
Deux bonnes fées se penchèrent heureusement sur l’ouvrage : Ruggero Leoncavallo et Pietro Mascagni, appelés à la rescousse par Giordano pour intercéder en sa faveur. L’aura des triomphes de Pagliacci et de Cavalleria rusticana pesa davantage que l’opinion de Galli, et Sonzogno accepta finalement d’inscrire Andrea Chénier à l’affiche de la prochaine saison de Carnaval/Carême de la Scala.
Pour la seconde saison consécutive, Sonzogno avait en effet la charge d’établir la saison complète de l’illustre scène milanaise, ce qui excluait les poulains de son principal rival, Giulio Ricordi (au premier rang desquels Puccini). Mais il avait essuyé des revers successifs en présentant plusieurs opéras français : Henri VIII de Saint-Saëns fut accueilli tièdement, La Navarraise de Massenet déplut franchement et même Carmen de Bizet fit un four, à cause des interprètes. Ni lui, ni la direction du théâtre ne pouvaient se permettre un échec supplémentaire.
Un nouveau coup dur faillit renvoyer la création de Chénier à la saison suivante : le ténor pressenti pour le rôle titre, Alfonso Garulli, déclara forfait. Cette fois, la chance tourna en faveur de Giordano : il passait en compagnie d’Illica dans la galerie Victor-Emmanuel, la somptueuse galerie marchande toute proche de la Scala, lorsque tous deux tombèrent nez à nez avec un jeune ténor de Ferrare, Giuseppe Borgatti – un ténor héroïque qui deviendrait par la suite le spécialiste des rôles wagnériens dans le temple lyrique milanais. La production était donc sauvée.
La création se déroula pour le mieux. La première scène de Gérard fut très applaudie, et le ténor dut bisser son premier air, l’Improvviso («Un dì all’azzurro spazio»). Puis l’enthousiasme alla croissant, grâce au talent de Borgatti et à celui du chef d’orchestre, Rodolfo Ferrari, mais aussi à l’excellence de la soprano Evelina Carrera (Madeleine) et du baryton Mario Sammarco (Gérard). Après la représentation, Sonzogno envoya ce télégramme à Illica : «Triomphe complet des premier, troisième et quatrième actes. Le deuxième a plu également. Vingt rappels pour les artistes et le compositeur, on a réclamé le librettiste. Viens à la deuxième représentation.» Au mépris de toute déontologie, Gallo encensa l’opéra dans Il secolo. D’autres critiques plus indépendants y allèrent eux aussi de leurs louanges. Même la Gazetta musicale, organe du rival Ricordi, salua ce succès avec fair-play.
En une seule soirée, Giordano s’était hissé parmi les jeunes compositeurs italiens les plus en vue, aux côtés de Leoncavallo, Mascagni et Puccini. Andrea Chénier fut repris onze soirs supplémentaires, battu seulement, lors de cette saison, par Samson et Dalila de Saint-Saëns (douze reprises). Le même enthousiasme accueillit l’ouvrage lors de ses débuts américains, le 15 novembre 1896 à New York. Rapidement, Chénier fut monté sur les principales scènes européennes et américaines, et sa notoriété n’a jamais connu d’éclipse.
Claire Delamarche
Du personnage historique au héros d’opéra
Le véritable André Chénier (de son vrai nom André Marie de Chénier) est né à Constantinople le 30 octobre 1762, d’une mère grecque et d’un diplomate français. Il avait 3 ans lorsque sa famille rentra en France, et il passa l’essentiel de son enfance à Carcassonne, s’enthousiasmant pour la poésie grecque classique. Après des études au collège de Navarre, à Paris, il fit en 1783 un bref passage dans un régiment de Strasbourg, se rendant vite compte que la chose militaire n’était pas pour lui ; l’épisode inspira tout de même à Illica «Si, fui soldato» [«Oui, je fus militaire»].
Par la suite, Chénier rejoignit sa famille à Paris, fréquentant les salons et se liant avec Lavoisier, Lesueur, Dorat, Lebrun-Pindare, Parmy, et un peu plus tard avec le peintre David. Issu d’une famille aristocratique, il était également invité dans des châteaux tels que celui décrit dans le premier tableau de l’opéra.
Chénier passa deux ans à Londres, de 1788 à 1790, comme secrétaire de l’ambassadeur de France. À son retour à Paris, il fut saisi par le chaos qui y régnait. Il commença à critiquer violemment les excès de Robespierre, Jacques-Pierre Brissot, Jean-Paul Marat et autres, tant en collaborant au Journal de Paris, organe des modérés, qu’en tenant des séances au café des Feuillants (lieu du deuxième tableau de l’opéra). Un de ses poèmes les plus subversifs, l’Ode à Charlotte Corday, naquit au plus fort de la Terreur : il s’y réjouit que, grâce à l’assassinat de Marat, «un scélérat de moins rampe dans cette fange».
Obligé de se cacher à plusieurs reprises, Chénier finit par être arrêté à Passy par des membres du Comité de sûreté générale. Durant les 140 jours que dura son emprisonnement, il écrivit quelques-uns de ses poèmes les plus poignants (dans l’opéra, son séjour à Saint-Lazare ne dure que quelques jours, ce qui en accroît la force dramatique). De même que, chez Illica, Gérard saisi de remords en appelle à Robespierre pour le faire libérer, la famille du véritable Chénier demanda sa grâce – en vain – au chef de la Révolution. Le poète fut exécuté le 25 juillet 1794 à l’âge de 31 ans, en compagnie de son ami fidèle l’écrivain Jean-Antoine Roucher. Selon la légende, celui-ci tomba sans connaissance à la vue de la guillotine ; Chénier lui aurait alors dit : «Courage, mon ami, d’autres rivages !» Chénier mourut trois jours trop tôt : le 9 thermidor an II (27 juillet 1794), Robespierre était arrêté, et il tombait dès le lendemain sous la lame du bourreau Sanson.
L’authentique Chénier connaissait la famille de Coigny et c’est pour leur fille, Aimée, rencontrée en prison, qu’il écrivit la veille de son exécution l’une de ses odes les plus admirées, La Jeune Captive. Au contraire de Chénier, guillotiné à la veille de la chute de Robespierre, Aimée échappa à sa sentence et vécut jusqu’en 1820.
Pour les besoins du drame, Illica transforma Aimée en Madeleine et inventa une liaison amoureuse entre la jeune fille et le héros. Ainsi crée-t-il – corsant l’affaire en inventant à Chénier un rival, Gérard – l’éternel triangle amoureux à la base de tant d’opéras romantiques. Comme tant de couples romantiques, séparés par des forces qui les dépassent, André et Madeleine ne pouvaient réaliser leur amour dans leur vie : leur mort était inévitable, seule à même de les réunir. C’est leur amour, via la jalousie de Gérard, qui est le principal responsable de leur exécution.
Toutes sortes de personnages historiques se croisent dans l’opéra, de l’odieux Fouquier-Tinville à Robespierre lui-même ; mais les situations dans lesquelles on les voit, pour être souvent plausibles, n’ont rien de véridique.
Illica forgea son livret à partir de nombreuses sources, notamment des commentaires d’Henri de Latouche (premier éditeur des poèmes de Chénier en 1819), la Galerie du xviiie siècle d’Arsène Houssaye, le drame de Jules Barbier André Chénier (1849), le roman de Joseph Méry André Chénier (1856) et l’Histoire de la société française pendant la Révolution des frères Goncourt (1854). Le livret regorge de détails contemporains, concernant notamment le mode de vie de l’aristocratie française, qu’il n’hésite pas à brocarder au passage. Illica s’inspire en outre d’authentiques poèmes de Chénier. L’Hymne à la justice est à la source de l’Improvviso, à l’acte I, mais aussi de récriminations de Gérard contre l’aristocratie. Quant à la dernière poésie composée par Chénier dans l’opéra, «Come un bel dì di maggio», elle paraphrase l’un des ultimes poèmes du personnage historique, écrit véritablement dans la prison Saint-Lazare : Comme un dernier rayon, où Chénier dénonce les débordements sanguinaires de la Terreur.
Claire Delamarche
L’influence du vérisme
Andrea Chénier est largement redevable au courant du «vérisme» musical, pendant italien du «réalisme» français. Le réalisme s’était développé après la révolution de 1848, au travers des peintures de Corot, Courbet ou Millet et des romans de Zola, qui illustraient des gens ordinaires dans leurs occupations quotidiennes ; il avait ensuite trouvé sa voie à l’opéra avec notamment Louise de Charpentier (achevé en 1896, créé en 1900). En Italie, ce courant trouva un équivalent dans le vérisme littéraire, dont le principal représentant est l’écrivain sicilien Giovanni Verga. Ses ouvrages mettent en scène des personnages du monde rural dont les crises personnelles se résolvent dans la violence et les passions exacerbées.
L’une des nouvelles de Verga est précisément Cavalleria rusticana, publié en 1880 dans le recueil Vie des champs, dont Mascagni tira l’opéra homonyme, point de départ en 1890 du vérisme musical. Le succès explosif de Cavalleria rusticana avait ricoché sur une bonne part de la production lyrique italienne du début des années 1890. La Wally de Catalani, Pagliacci de Leoncavallo, Cristoforo Colombo de Franchetti, Manon Lescaut et La Bohème de Puccini, Nozze istriane de Smareglia peuvent tous, à des titres divers et dans des styles particuliers, se réclamer par certains aspects de son héritage. Au milieu de ce flot, Falstaff (1893), ultime opéra du vieux Verdi, se dresse comme un îlot presque incongru – et largement méconnu des compositeurs contemporains.
Andrea Chénier pouvait difficilement échapper à la vague déferlante du vérisme ; Illica et Giordano y succombèrent donc logiquement. Cela valut à l’ouvrage de nombreuses attaques sur son emphase dramatique et ses effets jugés faciles. Le succès de Chénier tient à ce qu’il étoffe les ressorts habituels du vérisme – le conflit amoureux, sur fond de jalousie déchaînée – par les grands thèmes chers au mélodrame romantique italien : amitié, amour filial, patriotisme. Le livret d’Illica offre au musicien toutes sortes d’angles d’attaque : historique, dramatique, sentimental, psychologique. Il invite à une musique colorée, oscillant avec souplesse de l’intime au grandiose, de la rhétorique au lyrisme, du chant velouté au cri terrible.
La partition
Giordano pare le livret d’une musique très efficace. L’orchestre se concentre sur l’illustration de l’action plus que sur le prolongement psychologique des événements. Il est aussi varié que le langage harmonique et plus généralement l’ensemble du style musical, soumis à des changements d’atmosphère rapides qui reflètent les revirements dramatiques et émotionnels du livret.
On retient tout particulièrement les quatre grands airs (l’Improvviso de Chénier, «Nemico della patria» de Gérard, «La mamma morta» de Madeleine et «Come un bel dì di maggio» de Chénier), construits sur un modèle presque immuable. Ils débutent dans un style déclamatoire, sur une mélodie assez monocorde, accompagnée de légers accords ou trémolos de cordes, qui souligne le texte et ses implications dramatiques ; dans les airs de Chénier, ce procédé renforce l’impression de poésie déclamée. Puis, l’émotion s’intensifie soudain, la mélodie prend son envol, se déployant sur toute l’étendue de la tessiture en vastes courbes tandis que l’orchestre prend corps ; mais même alors, le texte reste toujours parfaitement intelligible et les fioritures sont rares.
À l’instar du livret, la partition fourmille de détails de «couleur locale» – notamment d’airs révolutionnaires : on entend Ça ira, La Carmagnole et La Marseillaise. La structure générale de chaque tableau est souple, et les retours thématiques sont rares (seule la fin de l’air de Madeleine «La mamma morta» revient à la fin du quatrième tableau). Andrea Chénier apparaît comme un kaléidoscope d’atmosphères contrastées, qui reflète le caractère inopiné des événements de la vraie vie. Toutefois, il réussit parfaitement à conduire chaque tableau vers un sommet d’intensité. La fin de l’opéra n’est pas le moindre : dans un «Liebestod» (Mort d’amour) à l’italienne, les deux amants avancent comme hypnotisés vers leur mort, à l’instar de l’Isolde de Wagner, portés par un orchestre incandescent.
Claire Delamarche