Rossini Il barbiere di Siviglia
mardi 18 avril 2023 - 20 h (Gala)
jeudi 20 avril 2023 - 20 h
samedi 22 avril 2023 - 20 h
Melodramma buffo en deux actes
Musique de Gioachino Rossini (1792-1868)
Livret de Cesare Sterbini, d’après la comédie Le Barbier de Séville, ou La Précaution inutile de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
Création : Rome, Teatro Argentina, 20 février 1816
Production du Festival de Salzbourg
Le 20 février 1816, alors que la semaine de Carnaval touche à sa fin, Il barbiere di Siviglia de Gioachino Rossini est créé (non sans controverses) au Teatro Argentina de Rome. Le nouvel opéra s’accorde bien avec l’atmosphère débridée du Carnaval romain: il regorge comme lui de masques et de déguisements, de parodie et de grotesque, de faux-semblants, et est imprégné d’un même esprit. Dans l’œuvre de Rossini, tout est dynamique, aiguisé ou exagéré et toujours d’une théâtralité vivifiante. Ainsi le melodramma buffo de Rossini est-il par nature plus proche de la commedia dell’arte que de la pièce française dont elle s’inspire. La nature théâtrale multiple qui caractérise le Barbier est encore plus évidente dans la mise en scène de Rolando Villazón. Elle nous ouvre une nouvelle dimension en ménageant des moments de comédie et de poésie grâce à l’ajout d’un protagoniste: le phénoménal acteur-transformiste Arturo Brachetti incarne un personnage rêveur qui cherche à s’évader dans les vieux films, en particulier ceux mettant en scène une diva dont il s’est entiché…
Les musiciens du Prince – Monaco
LES MAÎTRES D’ŒUVRE
Direction musicale
Gianluca Capuano
Mise en scène
Rolando Villazón
Costumes
Brigitte Reiffenstuel
Décors
Harald B. Thor
Lumières
Stefan Bolliger
Vidéos
Rocafilm
Chorégraphie
Ramses Sigl
Chef de chœur
Stefano Visconti
Assistante à la mise en scène
Bettina Geyer
Assistant à la direction musical & chef de chant
Andrea del Bianco
Assistant aux décors
Thomas Bruner
Assistant d'Arturo Brachetti pour les changements
Mark Johnson Panganiban
SOLISTES
Le Comte Almaviva
Edgardo Rocha
Bartolo
Alessandro Corbelli
Rosina
Cecilia Bartoli
Figaro
Nicola Alaimo
Don Basilio
Ildar Abdrazakov
Berta
Rebeca Olvera
Fiorello
José Coca Loza
Arnoldo
Arturo Brachetti
Ambrogio
Paolo Marchini
Un ufficiale
Przemyslaw Baranek
FIGURANTS
Loris Chatel
Schama Imbert
Rossella Antonacci
Rosa Tortora
Chiara Iaia
Bastien Leblanc
Guillaume Gallo Manrique
Morena di Vico
Ludivine Colle Denane
Federica Spatola
Nicolas Leroy
Marialucia Caruso
Paola Scaltriti
Laurence Meini
Artem Ustinov
Arnaud Jouan
Nicolas Vitale
Figurants machinistes
Tom Cressi
Laurent Barcelo
David M’Bappé
CHŒUR DE L’OPÉRA DE MONTE-CARLO
Chef de chœur
Stefano Visconti
Consultant pour l’organisation musicale & assistant chef de chœur
Aurelio Scotto
Régisseuse du chœur & bibliothécaire
Colette Audat
Sopranos I
Galia BAKALOV
Antonella CESARIO
Chiara IAIA
Giovanna MINNITI
Felicity MURPHY
Paola VIARA-VALLE
Sopranos II
Rossella ANTONACCI
Marialucia CARUSO
Valérie MARRET
Letizia PIANIGIANI
Laura Maria ROMO CONTRERAS
Mezzo-sopranos
Teresa BRAMWELL-DAVIES
Géraldine MELAC
Suma MELLANO
Federica SPATOLA
Altos
Maria-Elisabetta DE GIORGI
Catia PIZZI
Janeta SAPOUNDJIEVA
Paola SCALTRITI
Rosa TORTORA
Ténors I
Walter BARBARIA*
Lorenzo CALTAGIRONE*
Domenico CAPPUCCIO*
Vincenzo DI NOCERA*
Thierry DIMEO*
Nicolo LA FARCIOLA*
Ténors II
Gianni COSSU*
Pasquale FERRARO*
Fabio MARZI*
Adolfo SCOTTO DI LUZIO*
Salvatore TAIELLO*
Barytons
Fabio BONAVITA*
Vincenzo CRISTOFOLI*
Daniele DEL BUE*
Luca VIANELLO*
Basses
Andrea ALBERTOLLI*
Przemyslaw BARANEK*
Paolo MARCHINI*
Edgardo RINALDI*
Matthew THISTLETON*
* choristes participant aux représentations d'Il Barbiere di Siviglia
LES MUSICIENS DU PRINCE – MONACO
Violons I
Thibault Noally (leader)
Reyes Gallardo
Roberto Rutkauskas
Muriel Quistad
Anna Urpina Rius
Agnes Kertész
Andrea Vassalle
Zhang Zhang
Violons II
Nicolas Mazzoleni (leader)
Svetlana Fomina
Diego Moreno Castelli
Chiara Zanisi
Francesco Colletti
Laura Cavazzuti
Laura Scipioni
Altos
Patricia Gagnon (leader)
Lucie Uzzeni
Emanuele Marcante
Diego Mecca
Violoncelles
Marco Frezzato (leader)
Nicola Brovelli
Guillaume François
Antonio Carlo Papetti
Contrebasses
Roberto Fernández De Larrinoa (leader)
Davide Nava
Flûtes
Jean-Marc Goujon (leader)
Rebekka Brunner
Hautbois
Pier Luigi Fabretti
Clarinettes
Francesco Spendolini (leader)
Roberta Cristini
Bassons
Hugo Rodriguez Arteaga (leader)
Jeong-guk Lee
Cors d’harmonie
Ulrich Hübner (leader)
Emmanuel Frankenberg
Trompettes
Thibaud Robinne (leader)
Sebastian Schärr
Percussions
Paolo Nocentini
Saverio Rufo
Sebastiano Nidi
Fortepiano
Andrea del Bianco
Guitare
Miguel Rincon Rodriguez
PERSONNEL DE SCENE
Directeur de scène
Xavier Laforge
Régisseur principal
Elisabetta Acella
Régisseur de scène
Karine Ohanyan
Régisseur lumières
Enza d’Auria
Régisseur sur-titrage
Sarah Caussé
Régisseur d'orchestre
Nicolas Payen
Directeur technique
Vincent Payen
Responsable du bureau d’études
Nicola Schmid
Chef machiniste
Carlos Grenier
Olivier Kinoo
Sous-chefs machinistes
Yann Moreau
Franck Satizelle
Peintre décorateur
Gérard Périchon
Techniciens de plateau
Tom Cressi
Laurent Barcelo
Morgan Dubouil
Jean-François Faraut
Jean-Philippe Faraut
Schama Imbert
Frédéric Laugier
David M’Bappé
Khalid Negraoui
Thomas Negrevergne
Chef électricien
Benoît Vigan
Chef électricien adjoint
Dino Bastieri
Techniciens lumière
Nicolas Alcaraz
Grégory Campanella
Thibault Dhennin
Ludovic Druit
Gaël Le Maux
Laurent Renaux
Pupitreurs
Dylan Castori
Grégory Masse
Responsable audio/vidéo
Benjamin Grunler
Technicien vidéo
Felipe Manrique
Chef accessoiriste
Audrey Moravec
Accessoiristes
Roland Biren
Heathcliff Bonnet
Franck Escobar
Emilie Jedwab-Wroclawski
Chef costumière-habilleuse
Eliane Mezzanotte
Chef costumière-habilleuse adjointe
Emilie Bouneau
Sous-chef costumière-habilleuse adjointe
Stéphanie Putegnat
Habilleurs
Magali Bottin
Christian Calviera
Nadine Cimbolini
Edwige Galli
Mélie Gauthier
Julie Jacquet
Karinne Martin
Florence Rinaldino
Lauriane Senet
Véronique Tetu
Chef perruquière-maquilleuse
Déborah Nelson
Chef perruquière-maquilleuse adjointe
Alicia Bovis
Perruquiers
Jean-Pierre Gallina
Corinne Paulé
Marilyn Rieul
Maquilleurs
Sophie Kilian
Francine Richard
Patricia Rochwerg
Natasha Sanna
Nana Janny Telussa
Responsable billetterie
Virginie Hautot
Responsable adjointe billetterie
Jenna Brethenoux
Service billetterie
Ophélie Balasse
Dima Khabout
Stéphanie Laurent
Rolando Villazón
Quelques mots sur Rossini…
J'ai abordé Rossini très tôt, bien que ses opéras ne fassent pas partie de mon répertoire permanent. Il reste cependant pour moi l'un des plus grands compositeurs de tous les temps. Comme Mozart, il excellait à la fois dans la tragédie et dans la comédie, comme Mozart, sa musique vit grâce à son brio étincelant et son sens du timing. Et ce sens du timing est crucial pour une bonne comédie.
Comment s’y prendre pour mettre en scène une œuvre aussi connue que le Barbier ?
La grande question est de traduire une pièce dans un langage visuel auquel nous nous identifions immédiatement aujourd’hui sans trahir son essence : on vole en fait quelque chose à Rossini tout en lui restant fidèle… Mais surtout, la mise en scène doit être musicale ! Visuellement, ce spectacle tente de relier l’époque de Rossini avec celle des films en noir et blanc du xxe siècle, qui étaient d’un côté nostalgiques et mélancoliques, de l’autre (Chaplin, Keaton) riches en péripéties. Grâce à un personnage inventé qui observe les personnages puis finit par interagir avec eux, nous créons une narration parallèle, ce qui offre un second niveau de comédie.
De quoi tenez-vous compte lorsque vous mettez en scène un opéra, en particulier avec des artistes rompus au répertoire rossinien ?
Tout d’abord, je dois être bien mieux préparé que les autres car, pour moi, c’est nouveau ! Avec des collègues aussi intelligents, créatifs et talentueux, je définis les archétypes des personnages et ils me les « volent » afin de se les approprier. Je n’ai plus qu’à trancher : « Oui, cela fonctionne dans notre contexte » ou « Non, cela n’a aucun sens ici ». Gianluca Capuano mérite cependant une mention spéciale ! C'est un partenaire intelligent et créatif, toujours présent et qui apporte une contribution précieuse. Il fera en sorte que notre Barbier reste vif et plein de fraicheur pendant toute la durée des représentations alors que mon travail de metteur en scène s'achève à la répétition générale.
De votre point de vue de musicien et aussi d’administrateur, avez-vous des conseils à donner à Cecilia Bartoli ?
(Surpris) Je ne vois pas pourquoi je devrais donner des conseils à Cecilia… ! Au contraire, c’est elle qui a toujours été une source d’inspiration pour moi. Avec son talent et son intelligence rationnelle et émotionnelle, soutenue par un merveilleux instinct, elle a réussi à se créer une carrière sur mesure et absolument unique. J’apprends tant d’elle ! Je suis reconnaissant de faire un peu partie de son univers.
Acte I
Une place à Séville, au lever du jour
Une bande de musiciens, menée par Fiorello, accorde ses instruments (n° 1 : Introduzione «Piano, pianissimo»). Parmi eux figure le Comte Almaviva, vêtu d’un modeste manteau. Épris de Rosina, la pupille du vieux docteur Bartolo, il cherche à la séduire mais, désirant être aimé pour lui-même et non pour son rang, il se fait passer pour un pauvre étudiant. Il donne l’aubade à sa belle sous son balcon (Cavatina «Ecco, ridente in cielo»). Tandis qu’il guette l’apparition de la jeune fille, il chasse les musiciens, trop bruyants à son goût ; mais il est ensuite dérangé par Figaro, un de ses anciens serviteurs (n° 2 : Cavatina «Largo al factotum»). Par chance, Figaro est désormais au service de Bartolo, dont il est le barbier et le factotum. Son aide sera précieuse, car Rosina est gardée jalousement par son tuteur, qui entend l’épouser lui-même. La jeune fille paraît justement à son balcon, surveillée de près par Bartolo ; elle réussit tout de même à jeter un billet à son soupirant, lui demandant son nom et ses intentions. L’enthousiasme du Comte est vite douché lorsqu’il surprend une conversation entre Bartolo et Basilio, le maître de musique de Rosina, indiquant que le premier veut épouser sa pupille dès le lendemain. Il prend sa guitare et chante de nouveau sous le balcon, disant à Rosina s’appeler Lindoro (n° 3 : Canzone «Se il mio nome saper voi bramate»). Il lui reste à trouver une ruse pour approcher la jeune fille. Figaro offre de l’aider, moyennant finances. Il lui conseille de se déguiser en soldat et de pénétrer chez Bartolo grâce à un billet de logement (n° 4 : Duetto «All’idea di quel metallo»).
Une chambre chez Bartolo
Rosina chante son amour pour Lindoro et sa détermination à le conquérir, malgré la colère que cela ne manquera pas de déclencher chez son tuteur (n° 5 : Cavatina «Una voce poco fa»). Figaro réussit à s’introduire dans sa chambre, mais il doit se cacher quand entre à son tour Bartolo, qui l’a poursuivi dans toute la maison. Rosina répond avec effronterie aux questions soupçonneuses de son tuteur puis sort, le laissant seul avec sa colère. Basilio offre à Bartolo de répandre une calomnie au sujet du Comte (n° 6 : Aria «La calunnia è un venticello»). Toujours caché, Figaro entend les deux amis fixer les noces au lendemain ; lorsqu’ils sortent et laissent la place à Rosina, le barbier lui apprend qu’elle est l’élue du cœur de Lindoro (dont il prétend être le cousin) et la presse de répondre à sa flamme (n° 7 : Duetto «Dunque io son… tu non m’inganni ?»). Bartolo, dont les soupçons grandissent, enjoint à sa pupille de s’expliquer sur la présence de Figaro auprès d’elle. Elle lui répond toujours avec la même impertinence, mais sans le berner tout à fait. Bartolo la sermonne et la prévient qu’il resserrera sa surveillance (n° 8 : Aria «A un dottor della mia sorte»).
On frappe à la porte, et la servante Berta (la Marceline de Beaumarchais) ouvre au Comte, déguisé en soldat et feignant l’ivresse. À la vue du billet de logement, Bartolo répond qu’il est exempt de réquisition. Le ton monte, et la garde vient rétablir le calme. On arrête le Comte, qui révèle discrètement son identité à l’officier. Il est relâché à la stupeur générale et s’éloigne tranquillement, tandis qu’éclate un orage (n° 9 : Finale I «Fredda ed immobile, come una statua»).
Acte II
Un salon chez Bartolo, avec un piano
Almaviva revient chez Bartolo sous un nouveau déguisement. Bartolo se méfie, persuadé de connaître ce visage (n° 10 : Duettino «Pace e gioia sia con voi»). Le Comte prétend être Don Alonso, élève de Basilio, envoyé par son maître souffrant. Bartolo refusant toujours de le laisser entrer, le Comte a l’idée de lui montrer la lettre d’amour que lui a envoyée Rosina, prétendant qu’elle lui a été remise par une autre maîtresse du Comte, jalouse. La leçon de chant a lieu (n° 11 : Aria «Contro un cor che accende amore») et, pendant que Bartolo pique un somme, les deux amoureux peuvent enfin se déclarer l’un à l’autre. Bartolo se réveille et, inspiré par le morceau que travaille Rosina, se lance dans une déclaration d’amour ridicule à sa pupille (n° 12 : Arietta «Quando mi sei vicina»).
Figaro vient raser Bartolo, qui tente en vain de le chasser. Bartolo insiste alors pour que cela se fasse dans le salon de musique, afin de garder Rosina à l’œil ; il envoie Figaro chercher des affaires dans une armoire, afin de rester seul avec le prétendu maître de musique et se plaindre auprès de lui de son barbier, persuadé désormais qu’il organise des rendez-vous galants pour le Comte. Figaro profite d’avoir le trousseau de clefs de son maître pour subtiliser celle du balcon. Survient Basilio, qui ne comprend rien à la situation et menace de tout compromettre. Le faux Alonso parvient heureusement à s’en débarrasser. Tandis que Figaro rase enfin son maître, les amants organisent leur fuite pour la nuit suivante, mais leur conversation est surprise par Bartolo (n° 13 : Quintetto «Don Basilio ! – Cosa veggo !»). Fou de rage, Bartolo envoie son valet, Ambrosio, quérir Basilio. Berta, agacée par le climat troublé qui règne ces derniers temps dans la maison, espère que Rosina épousera le Comte et qu’elle pourra ainsi devenir la femme de Bartolo (n° 14 : Aria «Il vecchiotto cerca moglie»).
Basilio confirme ne pas connaître Alonso. Comprenant le stratagème, Bartolo envoie son ami chercher le notaire au plus vite. Montrant à Rosina la lettre que lui a remise le faux maître de musique, Bartolo lui fait croire que Lindoro n’est qu’un rabatteur du Comte. Rosina est au désespoir ; au dehors, un orage éclate (n° 15 : Temporale). Le Comte et Figaro disposent une échelle sous le balcon de Rosina et entrent dans sa chambre, trempés. Rosina accuse son amant de trahison ; il lui révèle alors que Lindoro et Almaviva ne font qu’un. Les amoureux tombent dans les bras l’un de l’autre, mais Figaro les presse de s’enfuir (n° 16 : Terzetto «Ah ! qual colpo inaspettato»). Hélas ! l’échelle a disparu. Lorsque paraissent Basilio et le notaire, Figaro et le Comte profitent de l’absence de Bartolo (sorti quérir l’aide de l’armée) pour leur faire célébrer le mariage sous la menace d’un pistolet.
Au retour de Bartolo, le Comte révèle son identité, ce qui laisse Bartolo stupéfait (n° 17 : Recitativo strumentato «Il Conte !... ah, che mai sento !»). Le Comte laisse éclater sa joie (n° 18 : Aria «Cessa di più resistere») [aria dévolue au personnage de Rosina dans la présente production, ndlr]. Bartolo avoue que c’est lui qui avait retiré l’échelle du balcon, afin de s’assurer que Rosina ne s’enfuirait pas avant qu’il l’ait épousée. «Précaution inutile !», raille Figaro. Bartolo ne peut que bénir l’union de sa pupille avec le Comte, se réjouissant au passage que le jeune marié renonce à réclamer la dot de son épouse. Tous célèbrent la puissance bienfaitrice de l’amour (n° 19 : Finaletto II «Di sì felice innesto»).
Claire Delamarche © Opéra de Monte-Carlo 2023
Almaviva ossia l’inutile precauzione – universellement connu sous le titre de Il barbiere di Siviglia – a vu le jour en 1816, mais cette distance nous semble un saut de puce : de nos jours, c’est en effet l’opéra de Gioachino Rossini le plus joué. Les statistiques parlent d’elles-mêmes : il a connu ces dernières années une moyenne de 700 représentations par an pour plus de 150 productions différentes. Tous compositeurs confondus, Rossini arrive en quatrième position après Verdi (La traviata), Mozart (La Flûte enchantée) et Puccini (La Bohème). Une telle longévité ne s’explique pas seulement par les fameux «crescendos» rossiniens, par ces mélodies qui s’incrustent dans l’oreille de l’auditeur ou par la vivacité de l’intrigue. L’histoire en général – et l’histoire de la musique n’échappe pas à cette règle – peut être imaginée comme une sorte de rivière karstique, une rivière essentiellement souterraine qui n’affleure à la surface qu’en de rares endroits. Quelques-unes de ces résurgences (les fameux «chefs-d’œuvre») atteignent la postérité. Le revers de la médaille de leur succès est que la grande majorité des œuvres de la même époque tombent dans l’oubli. Mais en quoi un opéra comme le Barbiere est-il si exceptionnel qu’il reste aujourd’hui encore digne d’être joué ? [...]
Il serait intéressant de savoir, mais je ne connais pas les chiffres, combien de ces 700 représentations annuelles adhèrent aux principes de l’exécution historiquement informée ; je crains toutefois que la réponse soit quelque peu décevante. En plus de cinquante ans de remise en question radicale dans l’approche des opéras du passé, d’efforts inépuisables pour étudier et recréer les conditions originales d’exécution, un travail considérable a été accompli pour «dépoussiérer» les œuvres baroques, les partitions de Gluck, Haydn, Mozart, Beethoven, voire Brahms ou Wagner, mais très peu a été fait pour Rossini et le belcanto en général. Je pense que la Norma historique portée à la scène à Salzbourg par Cecilia Bartoli, que j’ai dirigée à partir des reprises de 2016/2017, marque une étape importante à cet égard. Pour moi, 2022 a été une année Rossini : avec Il turco in Italia à Monte-Carlo, L’italiana in Algeri à Zurich, Il barbiere à Salzbourg, puis La Cenerentola et de nouveau Il turco à Vienne dans des versions «philologiques», j’ai eu l’occasion unique d’approfondir ma connaissance du style rossinien, et j’en tire les considérations que je partage ici.
La première étape, dans ma démarche, est de retrouver le «degré zéro» de l’interprétation : à savoir oublier ce qu’a pu apporter la «tradition» et revenir à la res ipsa, à la «chose elle-même», c’est-à-dire à l’étude approfondie du manuscrit (nous avons la chance de posséder le manuscrit autographe de Barbiere, conservé à Bologne). N’oublions pas que nous, interprètes, nous ne sommes jamais vierges à l’égard d’une œuvre d’art ; dans notre compréhension d’une création du passé, le poids de cette fameuse «tradition» est une donnée herméneutique incontournable. Il ne s’agit nullement de nier la tradition, mais plutôt de la filtrer sur la base de connaissances textuelles et philologiques et de ne conserver que ce qui passe à travers ce tamis.
Comme nous avons la chance de pouvoir recourir à ces sources remontant à l’époque de Rossini, la deuxième étape est de comprendre le lien entre les conditions matérielles d’exécution et la partition telle qu’elle a été transmise. Certains éléments de l’écriture de Rossini ne peuvent tout simplement pas être compris sans considérer les outils musicaux dont il disposait, qui ensuite ont d’ailleurs été régulièrement déformés par la «tradition». Je veux parler non seulement des indications dynamiques (l’orchestre doit toujours permettre au chanteur de déployer toute sa palette de couleurs, sans jamais former un mur de son parfois insurmontable) et des réorchestrations plus ou moins fantaisistes réalisées au gré des époques, mais surtout sur l’articulation. Il suffit de jeter un œil sur n’importe quel matériel d’orchestre utilisé aujourd’hui dans les théâtres de répertoire pour constater la quantité d’interpolations, de déformations, de surinterprétations dont cette musique souffre encore. Or, si vient à faire défaut ce jeu essentiel de références croisées entre la lettre du texte – et donc l’articulation du langage – et l’articulation musicale, tant dans le chant que dans l’accompagnement, c’est le noyau constitutif même de cette musique qui fait défaut.
Rossini n’est pas seulement fasciné par la structure formelle et harmonique de la musique allemande, mais il est l’héritier et le premier grand «passeur» italien de ce complexe système de codes sur la base duquel est tissée la musique des périodes baroque et classique. Il s’agit, à mon avis, de dépasser la période «métastasienne» de l’opéra italien, dans laquelle le lien entre le mot et le noyau expressif devient ténu.
Une autre inspiration nous vient du contrat original signé par Rossini pour la composition du Barbiere. En particulier :
- Si l’impresario le demande, le compositeur devra mettre en musique tout changement souhaité par les chanteurs.
- Le compositeur accepte d’assister à toutes les répétitions et de diriger du clavecin les trois premières représentations de l’opéra.
Le premier point est crucial pour tuer dans l’œuf l’idée d’un texte inviolable, immuable, intouchable, comme y croient encore de nombreux interprètes qui abordent la musique de cette époque. Il n’y a pas UN Barbiere di Siviglia ; au contraire, les variantes abondent dès la première représentation, avec des airs de substitution, des transpositions, des coupures. Les interprètes ont changé et le compositeur s’est adapté à ces changements. Dans notre Barbiere, par exemple, nous conservons précieusement une version confiée à Rosina et non plus au Comte du grand air tripartite «Cessa di più resistere». Nous donnerons en outre notre propre lecture de la chanson que le Comte entonne sous le balcon de Rosina, que Manuel Garcia (le premier Comte) a improvisée à la guitare lors de la première représentation, déclenchant à la fois les sarcasmes de Righetti Giorgi (la première Rosina) et la colère du public romain.
Faire de l’œuvre musicale un organisme vivant est peut-être le véritable cœur de toute opération philologique. La cristallisation, la muséification de l’œuvre musicale est une émanation de l’esthétique romantique tardive : le compositeur n’est plus l’artisan que l’on imagine en train de peaufiner et transformer continuellement ses créations, mais devient le «génie» qui produit des œuvres immortelles et non modifiables (d’où l’anathème sur les transpositions, interpolations, coupures, cadences, variations, etc.).
Le deuxième point – je paierais cher pour entendre comment Mozart ou Rossini interprétaient leurs propres opéras – ouvre toute une perspective sur l’improvisation, un aspect totalement perdu dans l’approche purement «reproductive» d’une certaine tradition. Profitant du fait que les récitatifs ne sont pas de la main de Rossini, que les documents montrent qu’il était d’usage que le continuiste jouât également dans les numéros avec orchestre, et qu’enfin la basse chiffrée est une sorte d’hymne à la liberté, nous donnerons à la basse continue un rôle prépondérant dans ce Barbiere, comme le spectateur pourra le constater dès les premières mesures de l’opéra.
Gianluca Capuano
Traduction Opéra de Monte-Carlo