Musique de Gioachino Rossini (1792-1868)
Création : Paris, salle Ventadour, le 7 janvier 1842
Quel ténor possédant un solide contre-ré bémol pourrait résister au plaisir de chanter un jour le «Cujus animam» du Stabat Mater de Gioachino Rossini? Et si le numéro 8 de cette œuvre liturgique, «Inflammatus et accensus», a été chanté par des monstres sacrés tels que Kirsten Flagstad et Birgit Nilsson, on comprend vite que Rossini, même s’il avait quitté la scène lyrique depuis plus de dix ans, ne pouvait s’empêcher de composer de véritables pépites vocales qui auraient aussi bien pu trouver leur place dans un drame lyrique en cinq actes! Dès sa première exécution salle Ventadour à Paris, en 1842, le Stabat Mater de Rossini déclencha l’enthousiasme des foules. Si Richard Wagner et certains critiques germaniques trouvèrent décidément la musique de Rossini trop profane pour un tel sujet, le reste de l’Europe ne bouda pas son plaisir et acclama l’œuvre jusqu’à nos jours. Le Stabat Mater est aussi une occasion rêvée pour un chœur de montrer les multiples facettes de son talent. Placé sous la direction de Stefano Visconti, le Chœur de l’Opéra pourra démontrer qu’il ne brille pas seulement dans les ouvrages lyriques mais sait aussi faire preuve de la ductilité nécessaire au répertoire sacré et aux œuvres de concert.
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE MONTE-CARLO
Les maîtres d'œuvre
Chef d'orchestre
Gianluca capuano
Chef de chœur
stefano visconti
solistes
Soprano
maria agresta
Mezzo-soprano
varduhi abrahamyan
Ténor
celso albelo
Basse
ildebrando d'arcangelo
CHŒUR DE L’OPÉRA DE MONTE-CARLO
Sopranos I
Galina BAKALOVA
Antonella CESARIO
Vittoria GIACOBAZZI*
Giorgia GIULIO*
Chiara IAIA
Mariko IIZUKA*
Mariia KOMAROVA*
Vittoria MAGNARELLO*
Giovanna MINNITI
Felicity MURPHY
Paola VIARA-VALLE
Sopranos II
Rossella ANTONACCI
Marialucia CARUSO
Valérie MARRET
Letizia PIANIGIANI
Laura Maria ROMO CONTRERAS
Mezzo-sopranos
Francesca BARGELLINI*
Teresa BRAMWELL-DAVIES
Francesca COPERTINO*
Matilde LAZZARONI*
Géraldine MELAC
Suma MELLANO
Federica SPATOLA
Altos
Maria-Elisabetta DE GIORGI
Eleonora LUE*
Tania PACILIO*
Catia PIZZI
Janeta SAPOUNDJIEVA
Paola SCALTRITI
Rosa TORTORA
Ténors I
Walter BARBARIA
Lorenzo CALTAGIRONE
Jaime Andrés CANTO NAVARRO*
Domenico CAPPUCCIO
Andrea CIVETTA*
Vincenzo DI NOCERA
Thierry DIMEO
Nicolo LA FARCIOLA
Jérémy PALUMBO*
Ténors II
Gianni COSSU
Pasquale FERRARO
Benoît GUNALONS*
Fabio MARZI
Marco Angelo MÜLLER*
Adolfo SCOTTO DI LUZIO
Salvatore TAIELLO
Barytons
Fabio BONAVITA
Yoonsung CHOI*
Vincenzo CRISTOFOLI
Daniele DEL BUE
Hazar MURSITPINAR*
Kyle Patrick SULLIVAN*
Luca VIANELLO
Basses
Andrea ALBERTOLLI
Stefano ARNAUDO*
Przemyslaw BARANEK
Paolo MARCHINI
Max MEDERO*
Edgardo RINALDI
Matthew THISTLETON
*choristes supplémentaires pour ce concert
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE MONTE-CARLO
Directeur artistique et musical
KAZUKI YAMADA
Premiers violons
DAVID LEFÈVRE
LIZA KEROB
SIBYLLE DUCHESNE
ILYOUNG CHAE
NICOLE CURAU DUPUIS
GABRIEL MILITO
SORIN TURC
MITCHELL HUANG
THIERRY BAUTZ
ZHANG ZHANG
ISABELLE JOSSO
MORGAN BODINAUD
MILENA LEGOURSKA
JAE-EUN LEE
ADELA URCAN
DIANA MYKHALEVYCH
Seconds violons
PÉTER SZÜTS
NICOLAS DELCLAUD
CAMILLE AMERIGUIAN-MUSCO
FRÉDÉRIC GHEORGHIU
NICOLAS SLUSZNIS
ALEXANDRE GUERCHOVITCH
GIAN BATTISTA ERMACORA
LAETITIA ABRAHAM
KATALIN SZÜTS-LUKÁCS
ERIC THOREUX
RALUCA HOOD-MARINESCU
ANDRIY OSTAPCHUK
Altos
FRANÇOIS MÉREAUX
FEDERICO ANDRES HOOD
FRANÇOIS DUCHESNE
CHARLES LOCKIE
RICHARD CHAUVEL
MIREILLE WOJCIECHOWSKI
SOFIA TIMOFEEVA
TRISTAN DELY
RAPHAËL CHAZAL
YING XIONG
THOMAS BOUZY
RUGGERO MASTROLORENZI
Violoncelles
THIERRY AMADI
DELPHINE PERRONE
ALEXANDRE FOUGEROUX
FLORENCE RIQUET
BRUNO POSADAS
THOMAS DUCLOY
PATRICK BAUTZ
FLORENCE LEBLOND
THIBAULT LEROY
CAROLINE ROELAND
Contrebasses
MATTHIAS BENSMANA
TARIK BAHOUS
THIERRY VERA
MARIANA VOUYTCHEVA
JENNY BOULANGER
SYLVAIN RASTOUL
ÉRIC CHAPELLE
DORIAN MARCEL
Flûtes
ANNE MAUGUE
RAPHAËLLE TRUCHOT BARRAYA
DELPHINE HUEBER
Piccolo
MALCY GOUGET
Hautbois
MATTHIEU BLOCH
MATTHIEU PETITJEAN
MARTIN LEFÈVRE
Cor anglais
JEAN-MARC JOURDIN
Clarinettes
MARIE-B. BARRIÈRE-BILOTE
VÉRONIQUE AUDARD
Petite clarinette
DIANA SAMPAIO
Clarinette basse
PASCAL AGOGUÉ
Bassons
FRANCK LAVOGEZ
ARTHUR MENRATH
MICHEL MUGOT
Contrebasson
FRÉDÉRIC CHASLINE
Cors
PATRICK PEIGNIER
ANDREA CESARI
DIDIER FAVRE
BERTRAND RAQUET
LAURENT BETH
DAVID PAUVERT
Trompettes
MATTHIAS PERSSON
GÉRALD ROLLAND
SAMUEL TUPIN
RÉMY LABARTHE
Trombones
JEAN-YVES MONIER
GILLES GONNEAU
LUDOVIC MILHIET
Tuba
FLORIAN WIELGOSIK
Timbales
JULIEN BOURGEOIS
Percussions
MATHIEU DRAUX
Harpe
SOPHIA STECKELER
Rossini
Fils de musiciens, Rossini fait une irruption brutale sur la scène lyrique à 18 ans avec La cambiale di matrimonio (Venise, 1810). On s’émerveille immédiatement devant le talent de ce tout jeune homme, surnommé «il Tedeschino» (le petit Allemand) parce qu’il a adopté certaines finesses harmoniques et orchestrales des compositeurs germaniques. Les triomphes se succèdent, dans le genre bouffe comme dans le genre sérieux, avec des ouvrages comme L’Italienne à Alger (1813), Le Barbier de Séville (1816) ou La Cenerentola (1817). Sa gloire devient internationale et il ne connaît aucun rival en Italie. En 1824, il s’installe à Paris, où on lui offre la direction du Théâtre des Italiens. Guillaume Tell, grand opéra français, est reçu fraîchement à l’Opéra de Paris en 1829. Rossini cesse alors d’écrire pour la scène lyrique ; il n’a que 38 ans. Il ne composera plus guère que le Stabat Mater (1831-1842), les Soirées musicales pour voix et piano (1835), la Petite Messe solennelle (1863, révisée en 1867) et les Péchés de ma vieillesse, recueils de courtes pièces aux formes les plus diverses. Il s’éteint à Paris, où il s’est fixé définitivement en 1855.
Une gestation mouvementée
Le Stabat Mater connaît une gestation mouvementée. Rossini le met en chantier en 1831 pour rendre service à un certain Don Francisco Fernandez Varela, à condition qu’il reste la propriété exclusive de ce prélat espagnol et ne soit jamais publié. Forcé au repos par un lumbago violent, il n’achève que six numéros de sa nouvelle pièce, et c’est Giovanni Tadolini, ancien élève comme lui du padre Mattei à Bologne et successeur de Rossini au Théâtre-Italien, qui se charge du reste. Cette œuvre à deux mains n’est donnée qu’une seule fois, le Vendredi saint de 1833, en la chapelle de San Filippo el Real de Madrid. En 1837, Varela meurt et ses héritiers cherchent à monnayer la partition. Craignant de voir publier sous son propre nom la musique d’un autre, Rossini – qui entre-temps a achevé la partition – menace de poursuites l’éditeur pressenti, Aulagnier : «Vous m’apprenez que l’on vous a vendu une propriété que j’ai seulement dédiée au Révérend Père Varela, en me réservant de la faire publier lorsque je le jugerai convenable. Sans entrer dans l’espèce d’escroquerie que l’on voudrait faire au détriment de mes intérêts, je dois vous déclarer, monsieur, que si mon Stabat Mater était publié, soit en France, soit à l’étranger, sans mon autorisation, mon intention bien arrêtée est d’en poursuivre les éditeurs jusqu’à la mort. Au surplus, monsieur, je dois vous dire que dans la copie que j’envoyai au Révérend Père, il ne se trouvait que six morceaux de ma composition, ayant chargé un ami d’achever cet ouvrage que je ne pouvais finir, parce que j’étais gravement indisposé ; et comme je ne doute pas que vous soyez bon musicien, par l’examen que vous pourrez faire de cette copie, il vous sera facile de vous apercevoir de la différence de style qu’il y a entre un morceau et l’autre. Peu après, revenu en santé, j’achevai mon ouvrage, et c’est seulement auprès de moi qu’existe l’autographe ce ces nouveaux morceaux.» Le 7 janvier 1842, le Stabat Mater est créé triomphalement, sous sa forme définitive, au Théâtre-Italien. Il déclenche ensuite l’enthousiasme dans l’Europe entière.
La partition
Richard Wagner éreinta le Stabat Mater, un jour que sa plume le démangeait : «Enfin, cette espèce mystérieuse de composition pourra avoir droit de cité dans les salons des hauts dilettantes ! Enfin, ils pourront se vanter de chanter des fugues, et ces fugues seront si gentilles, si aimables, si délicates, si ravissantes ! Et ces petits contrepoints ! Ils seront plaisants au possible. Ils sembleront des dentelles de Bruxelles et fleureront le patchouli.» Il n’était encore qu’un jeune inconnu et se cachait derrière le pseudonyme de Valentino. Ce trait d’humeur n’ajoute rien à la gloire du maître de Bayreuth mais n’altère pas celle du Cygne de Pesaro. Le Stabat Mater ne prétend ni édifier les fidèles ni assurer le salut éternel à son auteur. Rossini écrit dans la langue qui est la sienne et ressemble fort à celle de l’opéra : en décidant de mettre en musique cette séquence médiévale dramatique entre toutes, il semble avoir déjà choisi le théâtre contre l’église.
La séquence de la Messe des morts médiévale est répartie en dix numéros, dont les caractères dissemblables reflètent les revirements de ce texte particulièrement dramatique. Les solistes ont tour à tour leur moment de gloire, comme à l’opéra. Le «Cujus animam» est d’ailleurs devenu un cheval de bataille des ténors, au même titre que les airs du Barbier de Séville ou de Guillaume Tell. L’«Inflammatus», où le chœur accompagne la soprano solo dans une peinture déchaînée des flammes de l’Enfer, constitue le sommet dramatique de la partition. Mais d’autres numéros, notamment les deux chœurs a cappella (les numéros 5 et 9) viennent rappeler à l’auditeur qu’il n’est pas au théâtre. C’est en fait l’œuvre entière qui, derrière ses attributs belcantistes, révèle sa nature singulière, au détour d’une glissade chromatique douloureuse, d’un rythme solennel ou d’une phrase recueillie. Si ces airs et ensembles paraissent au premier abord provenir tout droit de Semiramide ou La donna del lago, ils prouvent rapidement par leur forme, leur parcours harmonique, leurs intentions que le propos est tout autre. C’est ce que confirme le numéro final, «Amen», allegro fougueux où Rossini conjugue la sévérité du style fugué avec la nécessité d’une fin enthousiasmante. Après la strette de cette double fugue, la machine stoppe soudain, et les lignes ascendantes diaphanes des toutes premières mesures de l’introduction réapparaissent. Puis c’est la grandiose péroraison. Hymne à l’homme, à Dieu, au drame ou au lyrisme triomphants ? La réponse est laissée au soin de chacun.
Claire Delamarche
C’est la plus célèbre et spectaculaire des trois grandes pages sacrées composées par Rossini que Cecilia Bartoli a choisi pour lancer une série de concerts consacrée à la mise en valeur du travail du chœur. Grâce au concours de quatre solistes internationaux, placés sous la baguette de Gianluca Capuano à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, les choristes de l’Opéra auront la possibilité de montrer tout leur savoir-faire grâce à la méticuleuse préparation de leur chef, Stefano Visconti.
En 1831, trois ans après avoir pris une retraite précoce de la scène à l’issue de la création de Guillaume Tell, Rossini met en chantier le Stabat Mater pour rendre service à un prélat espagnol à condition qu’il reste sa propriété exclusive et ne soit jamais publié. Il n’achève que six numéros et c’est Giovanni Tadolini qui se charge du reste. Cette œuvre commune n’est donnée qu’une fois, le Vendredi saint de 1833, à Madrid. En 1837, le prélat meurt et ses héritiers cherchent à monnayer la partition. Craignant de voir publier sous son nom la musique d’un autre, Rossini remet l’ouvrage sur le métier. Le 7 janvier 1842, le Stabat Mater définitif est créé triomphalement au Théâtre des Italiens.
La séquence de la Messe des morts médiévale est répartie en dix numéros. Les solistes ont tour à tour leur moment de gloire, comme à l’opéra. Le «Cujus animam» est d’ailleurs un cheval de bataille des ténors. L’«Inflammatus», où le chœur accompagne la soprano solo dans une peinture déchaînée des flammes de l’Enfer, constitue le sommet dramatique de la partition. Mais d’autres numéros, notamment les deux chœurs a cappella et la pompeuse fugue finale, viennent rappeler à l’auditeur qu’il n’est pas au théâtre.

Stefano Visconti
Deux mots sur le Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo…
Nous avons un chœur saisonnier de 40 chanteurs, principalement originaires d’Italie. En fonction des exigences du répertoire et du lieu où se déroule la représentation, je fais monter ce nombre à 80-90. Je suis chef de chœur à l’Opéra de Monte-Carlo depuis quinze ans, et j’ai essayé d’instaurer une certaine continuité en ce qui concerne le son de notre chœur.
Souvent, le travail d’un chœur d’opéra couvre également une partie du répertoire symphonique et sacré.
Les concerts de chœur et les concerts où le choeur fait partie de la distribution sont absolument fondamentaux pour notre art ! Nous avons la chance de pouvoir participer de temps en temps aux saisons symphoniques de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo et, au fil des ans, nous avons pu chanter un répertoire rare et intéressant. C’est merveilleux que ce type de concerts soit désormais intégré à la saison de l’Opéra de Monte-Carlo et que le chœur puisse montrer au public de l’Opéra sa propre identité.
Quelles sont les différences entre chanter dans un opéra et dans un concert ?
Tout d’abord, c’est incroyablement enrichissant de chanter les deux ! Les plus grandes différences sont qu’à l’opéra, la musique doit être mémorisée et que le choeur joue également, c’est-à-dire qu’il se déplace constamment, ce qui a un grand impact sur le son et la précision. Lors de la préparation d’un concert, nous travaillons intensément sur les détails musicaux parce que le chœur sera dans une position fixe sur scène, et je pourrai placer mes chanteurs de manière à ce que le choeur sonne de façon homogène. Nous ajustons l’équilibre, recherchons la régularité du son et la douceur de l’émission : le travail de concert renforce la souplesse musicale et la malléabilité des choristes.
Parlez-nous un peu du Stabat Mater de Rossini ?
J’adore cette œuvre et je suis ravi de l’aborder pour la première fois ! Rossini y fait preuve d’une grande sensibilité et d’une grande spiritualité, et ce qui peut surprendre les auditeurs, c’est le fait qu’il n’ait pas utilisé de musique provenant de compositions antérieures… J’ai l’impression que Rossini ne s’est pas soucié des règles prescrites concernant le sacré, cependant. Il semble qu’il ait simplement laissé le texte l’inspirer au fur et à mesure, section par section. C’est pourquoi il y a tant de variété stylistique dans cette messe.