Bach Oratorio de Noël
Oratorio (cantates I à III)
Musique de Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Textes tirés de l’Évangile selon Luc 2:6-20
Textes additionnels de Christian Friedrich Henrici, Johann Rist, Paul Gerhardt, Martin Luther et Christoph Runge
Création : Leipzig, églises Saint-Nicolas et Saint-Thomas, du 25 au 27 décembre 1734
Depuis le milieu du XXe siècle, l’Oratorio de Noël est devenu l’une des œuvres les plus populaires de Johann Sebastian Bach dans les pays germanophones, jouée à la fois au concert et dans le cadre d’offices religieux pendant les fêtes de fin d’année. Les six cantates qui le forment furent jouées pour la première fois entre le matin de Noël 1734 et l’Épiphanie 1735 lors des offices correspondants dans les églises luthériennes de Saint-Thomas et Saint-Nicolas à Leipzig. Depuis lors, il est devenu courant soit de les présenter toutes à la suite l’une de l’autre, soit d’en choisir quelques-unes, dans notre cas les trois premières.
L’Oratorio de Noël raconte les premiers jours de la vie du Christ (dans les parties I à III, sa naissance, l’arrivée des bergers et leur adoration).
Notre production ajoute un siècle supplémentaire et un style totalement nouveau au répertoire de concert du Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo, tout en éclairant d’un jour nouveau notre orchestre sur instruments d’époque, Les Musiciens du Prince, et le travail musicologique de notre chef d’orchestre Gianluca Capuano.
Les Musiciens du Prince – Monaco
Direction musicale
Gianluca Capuano
Chef de chœur
Stefano Visconti
Soprano
Regula Mühlemann
Alto
Anna Stephany
Ténor
Daniel Behle
Basse
Kartal Karagedik
CHŒUR DE L’OPÉRA DE MONTE-CARLO
Chef de chœur
Stefano Visconti
Consultant pour l’organisation musicale & assistant chef de chœur
Aurelio Scotto
Régisseuse du chœur & bibliothécaire
Colette Audat
Sopranos I
Galia BAKALOV
Chiara IAIA
Leslie Olga Visco
Sopranos II
Rossella ANTONACCI
Laura Maria ROMO CONTRERAS
VITTORIA GIACOBAZZI
Mezzo-sopranos
Teresa BRAMWELL-DAVIES
Suma MELLANO
Federica SPATOLA
Altos
ORNELLA CORVI
Catia PIZZI
Rosa TORTORA
Ténors I
Domenico CAPPUCCIO
Thierry DIMEO
Nicolo LA FARCIOLA
Ténors II
Pasquale FERRARO
Adolfo SCOTTO DI LUZIO
Salvatore TAIELLO
Barytons
Vincenzo CRISTOFOLI
Przemyslaw Baranek
Basses
Stefano Arnaudo
Paolo MARCHINI
Edgardo RINALDI
Matthew THISTLETON
LES MUSICIENS DU PRINCE - MONACO
General Manager
Margherita Rizzi Brignoli
Régisseurs orchestre
Nicolas Payan
Gleb Lyamenkov
Violons I
Thibault NOALLY (leader)
Ágnes KERTÉSZ
Beatrice SCALDINI
Anaïs SOUCAILLE
Anna URPINA RIUS
Muriel QUISTAD
Laura SCIPIONI
Violons II
Nicolas MAZZOLENI (leader)
Gian Andrea GUERRA
Diego Moreno CASTELLI
Laura CAVAZZUTI
Reyes GALLARDO
Svetlana FOMINA
Altos
Bernadette VERHAGEN (leader)
Patricia GAGNON
Diego MECCA
Emanuele MARCANTE
Violoncelles
Robin Geoffrey MICHAEL (leader)
Emilie WALLYN CROZATIER
Rolando MORO
Nicola BROVELLI
Contrebasses
Roberto FERNÁNDEZ DE LARRINOA (leader)
Clotilde GUYON
Flûtes
Jean-Marc Goujon (leader)
Pablo Sosa del Rosario
Hautbois et hautbois d'amour
Paolo GRAZZI (leader)
Guido CAMPANA
Hautbois de chasse
Andrea Mion
Emiliano Rodolfi
Bassons
Hugo RODRÍGUEZ ARTEAGA (leader)
Trompettes
Thibaud ROBINNE (leader)
Sebastian SCHÄRR
Tobias Bernhard Fehse
Timbales
Sebastiano NIDI
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Weihnachts-Oratorium
[Oratorio de Noël], BWV 248
Cantates I, II et III
Cantate n° 1
Jauchzet, frohlocket, auf, preiset die Tage
[Exultez, réjouissez-vous ! debout, louez ces jours]
Au premier jour des fêtes de Noël
Luc 2, 1 et 3-7
1. Chœur : Jauchzet, frohlocket, auf, preiset die Tage
2. Récitatif (Évangéliste) : Es begab sich aber zu der Zeit
3. Récitatif (alto) : Nun wird mein liebster Bräutigam
4. Aria (alto) : Bereite dich, Zion
5. Choral : Wie soll ich dich empfangen
6. Récitatif (Évangéliste) : Und sie gebar ihren ersten Sohn
7. Choral (soprano) avec récitatif (basse) : Er ist auf Erden kommen arm
8. Aria (basse) : Großer Herr, o starker König
9. Choral : Ach mein herzliebes Jesulein
Cantate n° 2
Und es waren Hirten in derselben Gegend
[Et il y avait des bergers dans la même région]
Au deuxième jour des fêtes de Noël
Luc 2, 8-14
10. Sinfonia
11. Récitatif (Évangéliste) : Und es waren Hirten in derselben Gegend
12. Choral : Brich an, o schönes Morgenlicht
13. Récitatif (Évangéliste, Ange) : Und der Engel sprach zu ihnen
14. Récitatif (Évangéliste) : Was Gott dem Abraham verheißen
15. Aria (ténor) : Frohe Hirten, eilt, ach eilet
16. Récitatif (Évangéliste) : Und das habt zum Zeichen
17. Choral : Schaut hin, dort liegt im finstern Stall
18. Récitatif (basse) : So geht denn hin, ihr Hirten
19. Aria (alto) : Schlafe, mein Liebster
20. Récitatif (Évangéliste) : Und alsobald war da bei dem Engel
21. Chœur : Ehre sei Gott in der Höhe
22. Récitatif (basse) : So recht, ihr Engel
23. Choral : Wir singen dir in deinem Heer
Cantate n° 3
Herrscher des Himmels, erhöre das Lallen
[Roi du ciel, écoute le murmure]
Au troisième jour des fêtes de Noël
Luc 2, 15-20
24. Chœur : Herrscher des Himmels, erhöre das Lallen
25. Récitatif (Évangéliste) : Und da die Engel
26. Chœur : Lasset uns nun gehen gen Bethlehem
27. Récitatif (basse) : Er hat sein Volk getröst’
28. Choral : Dies hat er alles uns getan
29. Duo (soprano et basse) : Herr, dein Mitleid, dein Erbarmen
30. Récitatif (Évangéliste) : Und sie kamen eilend
31. Aria (alto) : Schließe, mein Herze
32. Récitatif (alto) : Ja, ja, mein Herz soll es bewahren
33. Choral : Ich will dich mit Fleiß bewahren
34. Récitatif (Évangéliste) : Und die Hirten kehrten wieder um
35. Choral : Seid froh dieweil
24. Chœur : Herrscher des Himmels (reprise du chœur initial)
En 1723, Johann Sebastian Bach accepte le poste de Cantor à l’église Saint-Thomas de Leipzig, qu’il conservera jusqu’à sa mort en 1750. Dès sa prise de fonction, il commence à composer des cantates pour chaque dimanche et fête de l’année liturgique. En 1724 et 1727, il écrit deux partitions plus ambitieuses, la Passion selon saint Jean et la Passion selon saint Matthieu. En 1734, 1735 et 1738 naissent les oratorios de Noël, de Pâques et de l’Ascension.
L’appellation «oratorio» est trompeuse, car ces ouvrages ressemblent peu à ce genre apparu à Rome en 1600, une sorte d’équivalent sacré à l’opéra (qui naissait parallèlement à Florence) mais sans décors ni costumes. Les oratorios de Pâques et de l’Ascension adoptent la forme d’une cantate, et celui de Noël est constitué de six cantates qui forment une grande fresque de l’Incarnation mais furent créées séparément en décembre 1734 et janvier 1735, lors de six différents offices : les trois jours de Noël (25, 26 et 27 décembre), le jour de l’An (fête de la Circoncision du Christ), le premier dimanche de l’année (2 janvier) et l’Épiphanie (6 janvier).
Comme les Passions, l’Oratorio de Noël s’inscrit dans la tradition de représentations de récits sacrés illustrés de musique qui fleurissait en Allemagne depuis le Moyen Âge. Le ténor solo incarne les évangélistes auxquels est emprunté le récit dramatique (Luc pour les quatre premières cantates, Matthieu pour les deux dernières). Ces narrations recourent au chant le plus proche de la voix parlée, le récitatif secco (chant syllabique accompagné de la seule basse continue). Entre ces récits se déploient récitatifs accompagnés (c’est-à-dire avec orchestre), airs, duos et chœurs qui ont une fonction tour à tour de commentaire ou de narration – ils incarnent alors des personnages, en l’occurrence anges ou bergers.
Comme cela se faisait alors couramment, Bach recourt largement au procédé de la «parodie» (le réemploi, adapté, de ses partitions antérieures). Plus de la moitié des chœurs et solos des cinq premières cantates proviennent de deux cantates profanes composées l’année précédente pour l’anniversaire de l’électeur de Saxe, Frédéric-Auguste II, et celui de son épouse, Marie-Josèphe : Herkules auf dem Scheidewege [Hercule à la croisée des chemins, BWV 213) et Tönet, ihr Pauken ! [Résonnez, tambours, BWV 214]. Les autres numéros et la sixième cantate pourraient provenir de cantates perdues. Certains morceaux se contentent d’un changement de texte, d’autres subissent des transformations plus substantielles. Les récitatifs sont en revanche tous nouveaux, puisque liés viscéralement au texte.
Chaque cantate a pour autant sa personnalité. Le livret (anonyme) assure la cohésion de l’ensemble ; les musicologues s’accordent à y reconnaître la plume d’un érudit de Leipzig, Christian Friedrich Henrici, alias Picander (le librettiste des deux Passions). La cantate 1, la plus éclatante avec ses trois trompettes, raconte le recensement organisé par Hérode, l’arrivée de Marie et Joseph à Bethléem et la naissance de Jésus. Avec ses timbres pastoraux de flûtes à bec et de hautbois graves (hautbois d’amour et hautbois da caccia), la cantate 2 est la plus feutrée ; les anges y annoncent la naissance du Sauveur aux bergers. La cantate 3, où reviennent les trompettes, illustre l’adoration des bergers à la crèche.
Une troisième source est cruciale dans la partition : l’emprunt de chorals, ces cantiques traduisant humblement la foi luthérienne, que Bach pare de somptueux vêtements harmoniques. Il faut y voir plus que de simples prières : un message théologique. Le premier (n° 5, «Wie soll ich dich empfangen und wie begegn’ ich dir ?» [«Comment puis-je t’accueillir et te rencontrer ?»], douloureuse attente de l’avènement du Messie) et le dernier (numéro final de la Cantate 6, éclatante polyphonie célébrant le triomphe du Christ sur la mort et les forces du mal) reposent sur la même mélodie, un illustre choral luthérien qui hante aussi, avec des paroles différentes, la Passion selon saint Matthieu. Peut-être Bach veut-il ainsi nous signifier que, si Dieu s’est incarné en Jésus, il a fallu la passion, la mort et la résurrection de ce dernier pour que l’humanité accède au salut, et que cette trajectoire était écrite dès l’humble naissance à Bethléem.
Claire Delamarche